VU DU BALCON : ARCHIVES

J' ai mis la musique d'Anouar Brahem: "Le voyage de Sahar". Merci Véro de m'avoir fait connaître ce musicien. Il m'a emmené durant de longues heures sur des chemins mystérieux. Ceux sur lesquels j'aime vagabonder quand la Vie m'ennuie. Mais aussi ceux qui me mènent au plus profond de moi-même, quand l'inspiration me manque. Et sur le clavier je promène mes doigts essayant de suivre le piano magique. Véro c'est notre voisine de Paugnat, le village que nous avons laissé ce week-end, avec tant de souvenirs qui, seul trésor que nous ayons, auront leur place ici aussi, dans cette plaine fertile que nous allons apprendre à connaître. Nous avons gravi la colline en direction des vignes et des champs de blé. Juste pour voir si je les voyais, ces copains immuables. Je les ai vu, tout là-bas vers l'Ouest, Nugère, Jumes, Coquilles, Grand Sarcoui, Chopine, Pariou, Goules, le Grand Frère aussi….et ceux que le relief me cachait…Nous y avons traîné nos godillos, apprenant à chaque pas ce qu'aucun livre ne nous apprendra jamais. Je sais que je viendrai souvent ici, au milieu des vignes, pour me remémorer ces escapades salvatrices. Je me suis retourné et j'ai observé ce charmant village qui nous accueille ce soir. Demain il va faire chaud. Très chaud. C'est ce que l'on recherchait.

Et je pense aussi à ces tiots qui vont grandir là-haut, et qui vont nous manquer.

Commencement d'une fin

Paugnat s'éteint doucement. Plus de quatre années de souvenirs déménagent au rythme des cartons, voyages après voyages. La maison se vide tout comme une autre, à des centaines de kilomètres d'ici, s'est vidée de son lourd passé, et cela semble déjà si loin. Nous allons laisser dans ce lieu de vie quelques chouettes souvenirs. En premier lieu ces rires d'enfants qui ont animé nos journées à un moment où nous en avions le plus besoin car nous laissant aller à un ennui lancinant et parasite. Que deviendront-ils ces sourires, nous ne le sauront sans doute jamais. Là n'est pas l'important, pour nous, car d'autres les remplaceront et nous oublierons, comme eux nous oublieront. Nous allons laisser ici des hivers comme nous n'en avions jamais connus, ces hivers de montagne qui forgent patience et courage, force et espoir de retour. Nous allons laisser une nature généreuse, salvatrice, secrète et pour moi source d'une inspiration permanente. Nous allons laisser quelques connaissances. Quelques seulement. Pas assez à notre goût, habitués que nous avions été dans le Nord à cette grande farandole d'amitié facile, se donnant la main dans les moments les plus difficiles, preuve à l'appui. Il est vrai que nous n'avons pas fait les premiers pas qui auraient permis des contacts plus faciles. Nous sommes arrivés avec le sentiment de nous sentir normalement étrangers, ce sentiment ne nous a jamais quitté. Mais ce n'est pas si grave. Nous sommes plus riches, et, grâce à ce recul du regard nouveau, peut-être plus connaisseurs de cette région que peuvent l'être quelques autochtones d'ici.

Nous descendons vers la plaine, vers un peu plus de chaleur, des toits rouges et des maisons blanches. D'autres évènements nous attendent. Ceux d'ici furent nombreux. Les derniers en date verront leurs conclusions dans d'autres circonstances. Sur quelques mois tout à été chamboulé: boulot, maison, avenir.

Il me reste quelques regrets. Celui de ne pas avoir vu quelques amis du Nord passer nous voir dans la région, heureux que je me faisais à l'idée de leur faire découvrir ses putains de Volcans que notre instit nous montrait du bout de sa règle en bois sur la grande carte de géographie punaisées au mur de la classe. Et moi dans ma tête, durant quatre ans  j'ai vu cette carte en observant ces Dômes aux pentes boisées et douces. J'étais assis à ma place, et ça sentait bon l'encre et le bois vernis, Mai 68 et l'incertitude d'un bonheur éventuel. Paugnat s'éteint doucement et Free m'a prévenu que ma nouvelle ligne était ouverte, là-bas dans la plaine. Y-a – plus qu'à…  

Un chien n'en à rien à faire des dates, mémorables ou pas. Il ne fera donc pas le rapprochement entre certaines coïncidences  Pyrus notre vieux compagnon de galère ne se doutera donc pas du trouble que son incident de parcours  a provoqué chez moi. Cela s'est passé vendredi dernier, 17 juin. Nous étions partis en promenade et le chien , en bon terrier qui se respecte, enfonçait son museau profondément dans les fourrés lorsque le monstre a attaqué. Le berger allemand, bien que certain d'avoir le dessus, n'a même pas affronté sa proie de face, non, il a surgit de l'arrière, enfonçant ses crocs meurtriers dans les flans de notre fébrile York qui n'a rien vu venir. Si le maître du mastodonte n'avait pas rappliqué alerté par les cris désespérés de la boule  de poils, je ne donnais pas cher de la vie de notre compagnon. Depuis trois jours, le petit animal supporte sa douleur, encore effrayé par cette attaque venue de nulle part, mais lourde de conséquence car elle brise en moi une image de sérénité qui m'habitait lors de nos longues promenades dans ces sentiers souvent racontées dans ce blog.

C'est peut-être l'image qui me restera de ce 17 juin. Comme celle d'un autre 17 juin. Et je suis content de partir d'ici. Poussé par le destin.

Nous vivons entourés de monstres lâches et peureux, venant de nulle part, mais toujours par derrière. Faîtes gaffe à vos enfants.    

Quand on a eu l'habitude de recevoir régulièrement des nouvelles, bonnes ou mauvaises, leur absence momentanée inquiète. Ne dit-on pas:" pas de nouvelles, bonnes nouvelles…"? C'est en quelque sorte l'application à la lettre de cet adage qui s'applique à ce blog. Avec la reprise d'un boulot régulier, la vie a repris doucement son cours normal, balayant les semaines d'incertitude qui pourtant semblent avoir réduit ces  trois derniers mois à une poignée de secondes. Nous voilà donc à l'approche de l'été avec comme futur projet notre déménagement vers un autre lieu de vie. La valse des cartons a déjà commencé et la camionnette achetée le mois dernier tourne à plein régime. Nous voyons les pièces se vider petit à petit et je crois que c'est avec une certaine impatience que nous attendons le moment où, au milieu de ces murs qui nous ont abrités durant plus de quatre ans, nous remettrons les clefs à notre propriétaire. Nous ne pensions pas à l'époque y rester si longtemps, nous vivions cela comme une étape, encore tout perturbés que nous étions par ce changement dans l'inconnu vers lequel nous nous dirigions. J'ai fait vivre cette découverte à travers les lignes de ce blog, parfois allant un peu loin  dans l'expression de mes sentiments, mais peut-on demander à l'écriture de ne pas être tout à fait sincère? Une étape? Oui ce fut une longue étape et ce qui nous attend demain, bien que nous le sachions pas, sera logiquement et heureusement différent et d'une autre teneur. Faut-il pour cela continuer à en témoigner? La première phrase de la première note de cette année 2011résonne encore en moi et le déroulement des événement qui ont suivi m'ont conforté dans mes croyances. Sans vraiment le vouloir, me revoilà dans la même situation qu'avant notre départ vers l'Auvergne, travaillant dans le même milieu, dans les mêmes conditions, et de plus pour le même Groupe. Allez savoir. Peut-être est-ce là-haut que tout s'est joué. Dans ce grand ciel invisible où deux petits anges bien malins ont décidé pour nous de la marche à suivre, ne nous permettant aucun raccourci pour nous mener à eux, attendant que le Moment soit celui qu'Ils choisissent. Pour l'instant Ils se passent bien de nous et n'ont surtout pas envie qu'on dérange leur tranquillité.

Ils nous laissent continuer.

J'ai eu hier des nouvelles du boulot que j'ai quitté précipitamment le mois dernier. Rien de spécialement rassurant et je me dis que parfois les décisions prises " à vif" restent en fin de compte les bonnes, si toutefois la réflexion en a été la base. Cela reste quand même un beau gâchis. Avoir suscité tant d'espoir, avoir ouvert des perspectives innovantes pour en fin de compte n'offrir que du doute et de l'incertitude. Malgré la déception qui m'a submergé quand je me suis retrouvé face à mon avenir, j'ai su entrevoir d'autres solutions, même si au fond de moi je garde le sentiment d'avoir commis une erreur de parcours. L'essentiel n'est plus là aujourd'hui et ce soir je filerai vers mon nouveau boulot pour effectuer un travail de nuit, événement qui ne m'étais plus arrivé depuis près de 4 ans. La suite on la connaîtra quand je le déciderai. Pour le moment je vis cette nouvelle expérience sans trop me poser de questions, à 54 ans on a plus le temps de se poser de questions superficielles, on laisse le temps aux Vraies. Ce qui me dérange le plus en fait ce sont les sacrifices que je vais devoir faire pour assumer ce nouveau job. Moins de visites à la famille et aux amis là-haut dans le Nord, impasse sur des vacances que je recommençais à apprécier, moins de projets d'échappées belles à vélo, moins de qualité de vie en somme. Meilleure paye, oui, c'est avec ça qu'ils me tiennent. Le temps de contrebalancer mes doutes et de me retrouver, une question de quelques mois. Quelques mois à regarder l'heure avant d'aller bosser, réflexe que je n'avais pas eu durant trois ans que j'avais comme tout salaire, un smic. Ce n'est pas relatif. 

Le déménagement approche. Je n'en parlais plus mais la fin de notre passage ici dans ce petit village de pierre se profile doucement. La semaine prochaine commencera le grand ballet de l'emballage dans les cartons. Quoique depuis 4 ans beaucoup de choses n'ont pas été déballé et il sera bon de se séparer de tout cet "inutile". Confirmer en quelque sorte la fin d'un deuil. Se séparer une bonne fois pour toute de tous ces souvenirs jamais ressortis, en attente, dans l'obscurité, d'une faiblesse que nous n'avons jamais eu ou contre laquelle nous nous sommes battus, parfois avec hardiesse. Ce ne sont que des choses. Des objets portant en eux le poids invisible de l'absence. Des posters, des bibelots, des chiffons qui avaient leurs places dans une maison qui nous a abrité durant plus de 20 ans et que nous avons fui comme on fui la peste. A quoi bon ressortir les vieux démons? Pour qu'ils se multiplient? Laissons le passé contenu dans ces vieux cartons garder ses secrets et tournons nous vers l'essentiel. Nous arrivons donc au bout de cette longue étape passée  dans un environnement que nous connaissons par cœur, dans une nature changeante et difficile qui, pour ma part, m'a apporté plus que je ne saurais le décrire. Peut-être une année de trop durant laquelle nous avons vu le village évoluer et pas toujours dans le bon sens, mais une année aussi merveilleuse grâce aux enfants que Fab a accompagnés sur d'autres sentiers: ceux, tortueux et mystérieux, d' un début de vie qui sera, nous l'espérons, un long fleuve tranquille. Demain je commence un travail à cinq minutes d'ici, et les circonstances font que je vais m'en éloigner à cause de ce déménagement. Ce n'est pas exactement ce qui était prévu au programme! Mais là où nous allons, nous serons bien. Nous serons bien partout où nous déciderons de vivre et de croire en nos actes. Un jour sans doute, la fatigue l'emportera, et un avenir incertain se profilera. Il sera toujours temps de se poser la question: Mais où mène donc cette route? Peut-être la réponse se trouve-elle à la fin de ce clip…

 

Les choses de La Vie semblent se stabiliser. Après une dizaine de jours de "flou artistique" comme j'appelle cela, c'est à dire à vivre au gré des évènements et sur mes "gardes", après une bonne trentaine de mails lancés chez POL, j'ai reçu une bonne nouvelle: je commence le 23 une période de deux ans aux Eaux de Volvic. A ne pas confondre avec le ZOO de VOLVIC qui d'ailleurs n'existe pas. Depuis plus de 4 ans je passe devant l'usine, et je me demandais toujours comment on devait procéder pour s'y faire employer. Ici l'usine est réputée pour être la Roll's au niveau boulot, il est vrai qu'avec Danone ça ne rigole pas avec la qualité. Je vais donc réintégrer ce groupe que j'ai quitté il y a quatre ans et demi pour changer de boulot et de vie par la même occasion. C'est fou! Faut dire qu'à l'époque je n'avais pas été très bon, il me suffisait de me faire pistonner par mon directeur pour avoir ma place au chaud tranquille, peinard. Mais que voulez-vous, j'ai toujours voulu me débrouiller par mes propres moyens, et ma foi le fait de me retrouver là, ne m'étonne qu'à moitié. Voilà donc un peu de calme qui se profile à l'horizon après cette tempête qui m'a permit de me remettre en question encore une fois et surtout de prendre conscience d'une chose très importante: mon âge. Tant que tout va bien, que la rivière coule tranquillement dans la vallée, on ne s'inquiète pas, du moins je ne m'inquiétais pas. Mais durant ces quelques semaines d'incertitude, de déception et de scepticisme, d'inquiétude aussi, j'ai eu le temps de songer à cet avenir qui s'avance et qu'il faut envisager par ses meilleurs côtés. Pour ne pas trébucher, tomber par terre de la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau de la faute à Rousseau. Mais un qui va pas être content, c'est le copain Fred. Quand il est venu nous voir voici deux ans, il détournait la tête en passant devant l'usine d'embouteillage, et me disait: "accélère!".   

La première chose que j'ai faite Lundi matin fut de m'inscrire au pôle emploi. Plus la peine de se déplacer, quelques clics et vous faites monter les statistiques de 1. Je suis maintenant en règle. Puis je me suis dirigé vers l'agence intérim qui m'avait laissé un dossier à remplir pour une offre alléchante mais pour laquelle tous les caristes du coin sont déjà dans les starting- bloc. Elle m'a dit de son plus beau sourire, voilà Mr Fichaux, je vous "positionne" (!) sur l'offre et je vous tiens au courant pour le 16. J'ai été clair: je tiens pas à faire toutes les boites d'intérim de la rue (5) et je tiens à travailler avec vous. Auriez vous quelques chose à me proposer pour demain? C'est ainsi que je me suis retrouvé dans la cour d'une entreprise au petit matin, ne sachant à qui m'adresser, comme l'enfant qui arrive pour son premier jour de classe au milieu d'élèves déjà aguerris affichant leur sourire curieux et méfiant. Bonjour , je suis envoyé pour une "mission" par…Pourquoi faire? On me répond… Puis on me conduit au boulot. Le premier jour est toujours le plus difficile pour un intérimaire. On le met au taquet, pour voir ce qu'il a dans les tripes. Et les tripes j'ai toujours aimé ça. Et puis j'ai toujours l'esprit un peu taquin, un rien désinvolte, "n'ayons l'air de rien" comme disait la chanson… Et aujourd'hui, deuxième jour, ils m'ont foutu la paix, s'il avait dû se passer quelque chose, j'aurai pas fait le déplacement. Je suis là pour la semaine, je serai moins idiot qu'hier et le 16 arrivera bien assez vite. Quelle aventure, mais quelle aventure…!   

Pourtant j'y ai cru…je voulais du mouvement, j'en ai. Je voulais tuer l'ennui, j'ai réussi! C'est déjà une victoire en soi. Mais bon, en même temps je me suis un peu déstabilisé et, après quelques bonnes journées de réflexion, je me dis aujourd'hui qu'il ne faudrait plus que cette situation se renouvelle trop souvent. Bien sûr je suis prêt à butiner de job en job pour continuer d'apprendre des Hommes et du travail, bien sûr je me sens prêt à tenir la "longueur"…Mais je ne suis pas seul. J'en connais une qui aimerais un peu de tranquillité d'esprit, celle qu'elle a connu ces derniers mois, avant qu'une fois de plus je me remette en question. Si mes anciens copains du nord étaient là, ils ne s'en étonneraient pas: cela a toujours été moi. Bref, faudrait que je me calme un peu. La carcasse commence à émettre quelques grincements pareils à ceux qu'émettait la Laguna qui nous menait vers l'enfer, vers l'Est, là où il n'y avait rien de nouveau. Et qu'est-ce que nous avons ri dans cette limousine déglinguée! Je me souviens de cette anecdote: Moi qui conduit, à côté un collègue démissionnaire 10 ans plus jeune et derrière nos deux plus jeunes, lunettes noires sur le nez. A la sortie d'un péage, étranglement de la circulation, je laisse la place pour qu'un poids lourd se faufile devant moi, mais à sa suite une grosse Mercedes blanche tractant une immense caravane essaie de me griller la place. J'avance à hauteur du conducteur et je dis à mes deux Blues Brothers de la banquette arrière : "Tournez la tête tous les deux ensemble et doucement vers le conducteur" et ils s'exécutent, répondant à on ne sait quelle transmission de pensée…HE BIEN CA A MARCHE! Le type nous a laissé la place. Il s'en est suivi une partie de franche rigolade, une de plus qui restera marquée dans ma mémoire. Ah! Si nous avions agit de la sorte avec "pied de vigne" (surnom donné au cadre dans notre enfer de Nancy), peut-être aurions nous eu droit à un régime de faveur. On n'est jamais assez fou…J'avais vraiment une chouette équipe avec moi… J'en garde d'ailleurs un peu de brume dans les yeux.    

" Ils auraient dû être pour nos dix-huit ans des médiateurs et des guides nous conduisant à la maturité, nous ouvrant le monde du travail, du devoir, de la culture et du progrès – préparant l'avenir. Parfois, nous nous moquions d'eux et nous leur jouions de petites niches, mais au fond nous avions foi en eux. La notion d'une autorité, dont ils étaient les représentants, comportait à nos yeux, une perspicacité plus grande et un savoir plus humain. Or, le premier mort que nous vîmes anéantit cette croyance. Nous dûmes reconnaître que notre âge était plus honnête que le leur. Ils ne l'emportaient sur nous que par la phrase et l'habileté. Le premier bombardement nous montra notre erreur et fit écrouler la conception des choses qu'ils nous avaient inculquée. » A l' Ouest rien de nouveau.

Je me suis reposé, cette semaine. Tellement je me sentais cassé. J'ai essayé de récupérer toutes ces heures de sommeil laissées là- bas, près de Nancy. Tout en finissant un morceau de quiche Lorraine que Fab m'avait amoureusement cuisinée (?), j'ai regardé les infos, essayant de zapper plus vite que les images des fastes du mariage m'étaient infligées. Mais ils étaient plus forts et plus rapides que moi. J'ai donc attendu que ça se passe. Feuilletant machinalement un magasine. J'ai pensé  au bouquin de Philippe de 900 pages que j'avais remisé pour les prochaines vacances, si j'ai la chance d'en avoir encore. Je l'ai arrêté au début de la saison 2, et il y en a 6. En fait je suis en attente. J'ai déposé des candidatures un peu partout et, un malheur n'arrivant jamais seul, si tout va bien, car il y a du boulot par ici, je ne devrais pas rester longtemps inactif. Pourtant y'a des fois je me dis…acheter une camionnette , prendre le vélo et partir à l'aventure…pourquoi pas? Ces quinze jours dans l' EST n'ont pas été que négatifs, bien au contraire. J'ai appris des autres, j'ai suivi des routes que je ne connaissais pas, je me suis séparé. J'ai mesuré le poids de l'erreur. Aux infos régionales ils ont parlé d'un type qui allait descendre la Loire à la nage. C'est pas son coup d'essai, il a déjà traversé le grand Nord, seul en autonomie complète. Un ancien architecte qui a tout plaqué. Des gens comme ça y'en a plus qu'on le croit. Mais ça n'intéresse pas 3 milliards de personnes. Les princes s'embrassent au balcon et ça ne choque personne, ça réjouit tout le monde. Et moi, que me reste-t-il à écrire, le sempiternel recommencement de vie? Pas certain que j'ai vraiment envie de le faire, mes quinze siestes de cette semaine ne m'ayant pas reposé tout à fait. Après ce faux pas j'ai plutôt le désir de laisser venir la vie comme elle sera. Ca commence pas très bien. Le bouquin de 900 pages va être long à terminer, la quiche Lorraine aussi. Le point d'interrogation d'en haut concernait la quiche, pas l'amour…  

De la note précédente, je regarde la photo de cet adolescent chevelu en écoutant un vieux  Neil Yong au rythme lourd , comme un peu fatigué. Cet album avait été, paraît-il, réalisé en pleine nuit, le chanteur ayant réveillé ses musiciens pour obtenir ce son lancinant. Harvest, album sorti bien avant que l'adolescent en question pose pour la photo à l'entrée de sa vie d'adulte. Mais quand y est-il entré en fait? En perpétuelle recherche de vérité et de justice il n'a pas cherché à vraiment quitter l'image qu'il avait de lui depuis 78. La semaine dernière son fils lui a dit avant de partir: "fait gaffe à ta santé"…A croire que ce dernier bout de lui sentait dans la nouvelle aventure que son géniteur entreprenait un danger sous-jacent, une onde mauvaise et inquiétante. Je regarde la photo et je me dis, l'essentiel est sauvé. Le lacet entourant le cou ne s'est jamais resserré. Bien sûr, parfois il a fallu batailler, il a fallu comprendre les erreurs, assumer le sacrifice de quelques idées. Mais n'est-ce pas à ce prix que l'on devient libre? Durant les quinze jours qui viennent de passer en compagnie d'une autre génération il a appris qu'une étape venait d'être franchie. Que désormais il allait falloir composer avec d'autres paramètres. Je regarde ce sourire discret soulignant un regard scrutant l'objectif pour y défier l'avenir qui s'avance. Patti Smith sur le cœur, chemise blanche ouverte sur une poitrine ouverte à tous les vents à venir. Comme j'aimerai encore avoir cette bouche généreuse et insouciante, ce soir les lèvres se son tpincées et refermées sur trop de peine, comme pour ne rien laisser échapper. Je regarde cette image que j'ai eu à l'esprit quand, dans un dernier sursaut j'ai dit non à cet abandon dans l'inacceptable. Et je dis que l'essentiel est sauf.

Old Man (Vieil Homme) Vieillard regarde ma vie, je ressemble à ce que tu étais  Vieillard regarde ma vie, vingt quatre ans et plus encore Vivre seul au paradis me fait penser comme deux Amour perdu, à un tel prix, Donne-moi des choses qui ne peuvent se perdre Comme une pièce qui refuse d'être lancée Et qui roule pour revenir jusqu'à toi Vieillard jette un oeil sur ma vie Je te ressemble beaucoup J'ai besoin que quelqu'un qui m'aime du matin au soir Ah, un seul regard dans mes yeux peut te le prouver Berceuse, regarde dans tes yeux Parcourir toujours la même ville Ne signifie pas grand-chose pour moi, mais pour toi cela veut dire beaucoup J'ai été premier et dernier, À regarder comment le temps s'est écoulé Mais je suis seul à la fin Roulant pour revenir jusqu'à toi  Vieillard regarde ma vie, je ressemble à ce que tu étais

Saison 2, suite et fin.

Cela existe encore. Je l'ai vu, entendu, senti, vécu. Il y a encore des chefs tortionnaires, des conditions de travail inacceptables, des ouvriers soumis et fatalistes, n'osant ni manger, si se parler, ni sourire, ni même espérer. Il y a encore des êtres humains qui n'ont même plus la force de rêver. Et moi, parmi eux, tout étonné de découvrir ce monde que je croyais révolu. Il y a encore des matons dans les ateliers, des directeurs alcooliques et insensibles à la douleur humaine. Et moi, parmi eux, qui participais à la tuerie. Fatigué, trompé et anéanti devant tant d'injustice, je me suis regardé dans le miroir et j'ai pensé à mes gosses : que penseraient-ils de moi ? Comme tortillé soigneusement dans un emballage de friandise par des cadres peu scrupuleux de savoir comment j'allais être dégluti, j'ai secoué ma carcasse douloureuse et je me suis réveillé au milieu de cet anéantissement lent et criminel. " Ils" nous avaient présenté leur projet à grands coups de" frais tout payés", de "formation top niveau" et voilà que je me retrouvais au centre d'une arnaque immonde dans laquelle la vie n'a de valeur que par la sueur et les douleurs qui la façonne. Non. Messieurs je ne ferai pas partie, je ne serai pas acteur ni complice de ces cris qui résonneront dans quelques mois, quand il sera trop tard, quand la machine infernale aura laminé les ardeurs les plus sincères, quand le dos au mur, nos braves soldats essaieront en vain de défendre le peu qu'il leur reste à sauver, leur orgueil. Je laisse le choix à chacun de penser et d'espérer, mais moi, j'arrête. J'arrête là ces nuits sans sommeil, cette hypocrisie sans nom et je vais voir ailleurs, si les vents sont meilleurs.

 

Sans travail, mais libre.  Les explications viendront plus tard...

Saison 1

Lundi 11

J'ai quitté Paugnat au petit matin au volant d'une Laguna grinçante mais confortable. Je ne suis pas habitué à ce genre de navire. Surtout si je sais qu'il n'en est pas à son premier voyage et que, vu de l'extérieur, on s'imagine tout de suite la nature des péripéties. Mais bon, c'est déjà pas mal, Ils ne nous ont pas fourgué la clio de service. 600 bornes, c'est une trotte quand même. Un par un, je suis allé cherché mes acolytes qui vont être mes compagnons de galère durant ces 4 mois. Il fait encore nuit noire quand nous quittons les dernières bosses auvergnates pour nous diriger vers l'Est. Nancy. Nous y sommes arrivés vers midi. Le voyage ne nous a pas semblé trop long, les jeunes ont la conversation facile, quand ils se sentent en sécurité. Puis accueil sur notre nouveau lieu de travail, installation à l'hôtel et repos.

Mardi 12

Prise de contact avec notre nouveau boulot, et les Lorrains. J'ai tout de suite retrouvé une ambiance de travail en équipe un peu similaire à celle que j'ai quitté dans le Nôôrrd..! Cette prononciation, bien souvent je vais l'entendre, mes trois auvergnats tenant à me faire comprendre que oui, ils ont gardé de bons souvenirs du film. Ce mardi la météo a pris un sacré coup de froid et les soirées au boulot sont pénibles, nous n'avons pas prévu de vêtements chauds, croyant qu'"Ils" allaient nous les fournir. On peut pas tout avoir…

Mercredi 13

Le scepticisme prévaut. La mise sous pression semble fonctionner. En matière de formation c'est une mise au turbin sur le tas, tu piges c'est bien, tu planes, tant pis. Mais ça va, les jeunes sont rigolards, le sens de l'humour renforce et lamine le doute. On se met à la place de "Ils" et on se doute bien qu'"Ils" doivent nous jauger le plus rapidement possible. Que les choses soient claires: moi j'irai jusqu'au bout de ces 4 mois, tous frais payés sauf le polaire, ensuite la balle sera dans  leur camps.

Jeudi 14

C'est notre vendredi à nous, demain on sera chez nous, les auvergnats semblent s'ennuyer de leurs montagnes, moi aussi. Pourtant la Lorraine semble être un beau pays, avec ou sans sabots. Il nous faudra la découvrir. L'ambiance du groupe est bonne, comme nos repas à l'hôtel, comme notre moral, comme notre confiance en "Ils".

Vendredi 15

Il fait beau. La Laguna grince allègrement sur le chemin du retour. Les jeunes sont bavards juste ce qu'il faut, c'est à dire rigolos et lucides. Ca fait plaisir à voir. Aux premiers panneaux annonçant la direction de Clermont ils me disent que ça commence à sentir bon. Moi ça fait un mois que j'ai le nez bouché et qu'il va falloir que je me décide à aller voir un spécialiste. Au loin, dans un voile de brume bleue la ligne caractéristique de la chaîne des Puys se dessine, et je leur dis que s'ils regardent bien on peu apercevoir l'extrémité du Puy de Paugnat. Eclats de rire bon enfant: " Yen encore de la neige là-haut?!" Ouais, rigolez, les enfants, n'empêche que c'est grâce à lui si on s'en est sorti, moi Fab, Nico et le chien.

 

Je n'ai lu que vingt pages de Doggy bag.

La semaine de présentation est terminée. Nous savons, nous les vingt chanceux qui vont avoir le privilège de démarrer cette nouvelle entreprise, de quoi seront faits les quatre prochains mois. Pour ma part, avec trois autres collègues aussi pressés d'en découdre que moi, nous allons faire nos premiers pas sur un site de Nancy durant 9 semaines (et demi?). Tous frais payés. Ils ont mis le paquet et ma foi, je pense qu'il ne faudrait pas faire le difficile devant la palette de moyens qu'ils ont mis en œuvre pour que notre séjour professionnel se passe dans les meilleures conditions. Puis ce sera l'Allemagne, puis la Vendée, puis Avignon… et nous serons en Août…Je ne peux que m'interroger devant cette accélération subite de cette vie qui semblait marquer le pas depuis quelques mois. Si vous avez suivi le blog vous en avez été témoin. Quelles sont donc les conclusions qu'il faut en tirer? Moi je n'en vois qu'une, bien qu'elle soit toute personnelle mais qui rejoindra les idées de quelques fervent(es) lecteur(trices). Depuis ces quatre années durant lesquelles tant d'évènements sont venus s'ajouter les uns aux autres, chacun à leur place, à un moment bien précis, je ne peux qu' émettre l'idée que notre croyance en nous, nous porte vers ce que doit être notre vie. Ne pas écouter les sirènes de l'impossible, essayer d'envisager d'autres valeurs que celles que l'on a toujours essayé de nous imposer à grand renfort de gadgets subliminaux qui, il faut bien l'admettre, ont parfois touchés leur cible. Je me souviens de cette question avant de repartir à zéro: sommes nous capable de nous passer de notre confortable sécurité matérielle? Sommes nous capable de redescendre la barre, juste pour le plaisir de retrouver les gestes indispensables et nécessaires pour franchir les différentes étapes menant au succès? Nous avons une des réponses ce soir. Et si ce blog devait s'arrêter suite à cette évidente réponse, alors c'est sans doute qu'il n'y aurait plus rien à en déduire. Mais d'autres chemins restent à découvrir …

Ce serait bête, n'est-ce pas, de ne pas aller voir plus loin…     

J'ai commencé l'intégrale de Doggy Bag. 900 pages. Je pense en avoir assez pour les semaines que va durer la formation. J'ai commencé aussi un peu d'exercices de musculation. Pour les jambes, le vélo me suffit, mais mes petits bras de cinquante ans demandent un peu d'attention. C'est que je vais devoir travailler avec de jeunes loups tout pimpants qui ne manqueront pas de me faire remarquer qu'on ne travaille pas à armes égales. Tout dépend de quoi on parle. De quelles valeurs. Mon expérience d'il y a 4 ans m'a montré qu'il ne fallait pas être trop tendre avec cette jeunesse pas assez solidaire d'après moi. Chacun pour sa pomme doit être la nouvelle philosophie d'un monde auquel j'ai décidé de ne jamais adhérer. Je les vois et les entends déjà ces pianoteurs d'Ipad, d'Iphone, d'Ipod, me faire comprendre à coups de regards fuyants que l'on est au 21^ème siècle. C'est à dire un siècle en perpétuelle guerre mondiale, en crise permanente, où l'on communique sans se parler, où l'on n'est jamais certain de la qualité de ce que l'on mange, ni de la qualité des nuages qui passent, paisibles, au-dessus de notre tête…Donc faut pas trop qu'ils me la fasse…Et ils ont tout intérêt à être à l'heure au rendez-vous le lundi matin pour le départ en bagnole: CAR C'EST MOI QUI CONDUIT. Et je n'ai pas envie de trop jouer les conciliateurs. Je tiens cet état d'esprit depuis mon expérience malheureuse de 2007, durant laquelle, travaillant au contact de cette jeunesse un peu trop individualiste, je me passais bien souvent de pause casse-croûte faute de laisser ces teenagers du dimanche déborder exagérément sur leur temps à eux, et revenant mains dans les poches, musique à fond sur les oreilles, sans un regard vers mézig qui rongeait son frein sans rien dire. Il faut que jeunesse se passe , je me disais, ouais bin, elle est passée… Demain matin j'en saurai un peu plus.  

Voilà donc cette semaine de congés qui se termine. Malgré de mauvaises nuits et des réveils matinaux à des heures où même les coqs du coin se sont sentis dépassés, j'en ai profité pour vaquer à des occupations qui m'ont permis de me vider l'esprit. Un peu de marche, une remise sur le vélo progressive, quelques siestes, une mise à jour d'un dossier à rendre la semaine prochaine pour le nouveau job, je glisse maintenant dans un état d'esprit tourné vers les semaines qui arrivent. Comment vais-je vivre cette période de déplacements dans différentes régions de France? Je ressens comme une excitation à l'idée de découvrir une autre forme d'activité, mais aussi un peu d'inquiétude quant au déroulement de ces absences loin de mes habitudes de vie. En même temps cela sera l'occasion idéale de me séparer petit à petit de cet environnement que j'ai un peu trop idéalisé durant une période. Sentimental et observateur acharné, voir contemplateur inassouvi, je sais que je n'en serai pas loin et qu'il me suffira de quelques coups de pédales pour venir me ressourcer au milieu de ces collines volcaniques. J' observais encore pas plus tard que cette après-midi, lors d'une pause méritée après une rando à vélo, cette chaîne des Dômes baignée par un soleil revivifiant, pensant que je n'étais qu'à quatre kilomètres de chez nous. Il y avait là devant moi La Nugère, La Louchardière, le Puy de Paugnat, Le Pariou, Le Puy de Côme, Le Puy de Dôme, Le Puy de Jumes, de la Coquille, Le Puy des Gouttes et Chopine et tous leurs copains dont j'ai oublié le nom…Sur ma droite le Massif du Sancy se dessinait tout au fond sur l'horizon, exposant ses sommets encore enneigés dans un ciel bleu azur. Impossible de tout immortaliser sur mon appareil photo. Ils étaient tous là, je me suis rappelé nos ascensions sur leurs pentes douces et boisées. Et à chaque fois que je les regarde me viennent ces souvenirs d'écoles primaire, quand l'instit nous parlait de ce massif central où se trouvaient des volcans. Et moi je dessinais des volcans, des éruptions, des montagnes coiffées de blanc. Et j'ai vécu à leurs pieds. Pas étonnant qu'il me soit si pénible de leur tourner le dos. Oui, je pense que ces déplacements obligés dans d'autres contrées vont être salutaires.

Je ne sais pas si un jour nous serons grands-parents. Nicolas, le fils qu'il nous reste, avance dans l'âge et malgré son ardent désir de fonder une famille, ne voit rien poindre à l'horizon. Ce sentiment de manque que nous ressentons, nous nous y sommes préparé depuis quelques années déjà. Aussi, lorsque que Fab a décidé de devenir assistante maternelle, nous y avons tout de suite vu une échappatoire, un moyen détourné de rester au contact de  ce monde mystérieux et surprenant, innocent et parfois difficile que représente l'enfance, des premiers jours aux premiers pas, aux premiers mots, des premières phrases aux premiers silences évocateurs. Nous avons eu la chance de connaître pour cette première expérience, des parents confiants auxquels nous n'avons pas tardés à expliquer notre situation. Et depuis deux ans nous voyons grandir ces petites têtes blondes au rythme des saisons, nous mettant bien dans l'esprit qu'un jour sonnera l'heure de la séparation. Nous avons eu ce week-end la garde de deux de ces enfants dont les parents avaient besoin d'un repos mérité. Reconnaissance d'une confiance envers Fab, ce n'est pas toujours évident dans ce genre de travail. Nous avons donc "joué" aux papymamy, à tel point que par courts instants, mais terribles par leur évocation, nous avons eu le sentiment qu'il ne s'était jamais rien produit, que la vie suivait son cour, que ces cris nous les avions toujours connus, immergeant d'un passé très lointain. C'est sans doute pour cela que Nicolas semblait un peu bizarre le Dimanche midi à table. Pensant à ces dimanches où cette table aurait pu être plus grande, plus bruyante, normalement familiale. Mais nous ne sommes pas des gens normaux. Et nous ne nous apitoyons pas sur ce sort. Nous partageons ce que nous avons. Savons aurait pu convenir aussi. 

Pas de sensations particulières ce matin en me rendant pour la dernière fois à mon travail. J'ai négocié mes 50 virages habituels en me disant que je n'aurais plus à supporter les rictus d'impatience des automobilistes me pourchassant durant les vingt kilomètres de descente qui me menaient quotidiennement à mon travail. J'ai pensé à ces quatre hivers qui m'ont appris à conduire sur des routes verglacées, au milieu de paysages enneigés et inquiétants. Vers Châteauguay, dans la dernière grande boucle j'ai pris le temps d'admirer ce lever de soleil qui me gonflait à bloc chaque matin, tant ses lueurs magnifiques habillaient d'un manteau multicolore et indescriptible cette plaine qui sépare les Monts Dômes des Monts du Forez, là-bas tout au fond, vers l'Est. Seul ce spectacle, va me manquer. Et la journée s'est passée normalement, sans nostalgie de ces trois années de travail parmi les chauffeurs et les allers retours des camions transportant les marchandises du Monde. Demain je serai à un autre endroit, avec d'autres hommes, continuant ainsi une tâche commencée il y a 35 ans. Encore quelques années, quelques efforts et l'aventure prendra une autre forme. Pour le moment je vais essayer d'apprécier au mieux cette semaine de vacances, de vider mon esprit de ces trois années afin de repartir d'un bon pied vers cet inconnu qui, petit à petit prend forme. La peur n'évitant pas le danger, je ne vois pas pour qu'elle raison je m'en préoccuperais. J'ai toujours agi de la sorte et hier un collègue chauffeur me disait" c'est incroyable comme tu as raison…" Je ne cherche pas à avoir raison. Mais si mes actes peuvent servir à quelque chose ou quelqu'un, alors tant mieux. C'est la marche du Monde, de la logistique en quelque sorte. C'est sans doute pour cela que je me plais dans ce milieu. "La vie n'est qu'un noeud de relations". Je sais plus qui disait ça…  

Les comptes à rebours ont commencé. Il me reste une semaine à bosser dans mon travail actuel, semaine durant laquelle j'aurai à m'occuper de la personne qui va me remplacer. J'ai déjà connu ce type de situation, il y a plus de quatre ans. Mais je ne vis pas cette situation avec l'état d'esprit dans lequel je me trouvais alors. J'avais le sentiment à cette époque de n'avoir pas beaucoup de choix. L'engourdissement lent et mortel ou l'action salvatrice et enrichissante. Je peux dire aujourd'hui que j'ai fait le bon. Les impressions qui me traversent maintenant sont totalement différentes, bien qu'elles sont nées de la même peur : connaître les pesanteurs de l'ennui. Ce nouveau travail va m'obliger à me retrouver face à mes questions, isolé que je serai par obligation professionnelle. Nous allons vivre durant quatre mois, séparés l'un de l'autre les jours de la semaine, alors que nous avions notre rythme de vie bien rodé, sans doute un peu trop. Puis nous allons quitter ce coin de montagne dont nous avons du mal à continuer d'apprécier les bienfaits tant les petits tourments qui sont venus perturber sa tranquillité des débuts ont taraudé notre patience. Nous n'en serons pas très loin, quelques minutes de voiture, quelques centaines de mètres plus bas, dans la douceur de la plaine que nous allions chercher souvent pour combler notre besoin de chaleur. Nous y reviendrons de temps à autre, pour y randonner tranquillement et nos regards alors seront de nouveau neufs et réconfortants. Il faut également nous préparer à nous éloigner de ces sourires d'enfants que nous avons appris à redécouvrir durant tous ces mois où Fab a patiemment, chaleureusement, avec un dévouement de chaque instant, mené sur les chemins de l'enfance. Là est la pesanteur : ils ne garderont aucun souvenir de nous alors que notre cœur résonnera toujours de leur premiers  balbutiements. Nous en connaîtront d'autres. Il ne faut pas se poser trop de questions. Et voilà. J'ai aujourd'hui le sentiment que cette étape de quatre ans n'était qu'un long passage de préparation et que s'ouvre maintenant une autre porte. Celle qui va planter définitivement notre décor. Je m'y prépare doucement. Il faut un jour choisir de se reposer sans autre soucis que celui de vivre. Pleinement.    

En avril 86, j'avais 29 ans. L'âge que notre fils Nicolas a exactement aujourd'hui. Une génération pile poil. A ses deux extrémités Tchernobyl et Fukushima. Alors vous me direz, le plantage de Monordinateur, raison pour laquelle je n'ai plus donné signe de vie depuis 10 jours, une éternité, ça passe à la trappe. Pourtant durant ce court laps de temps, l'événement attendu depuis deux mois s'est produit. J'ai reçu une réponse positive pour le boulot envisagé. Je vais donc quitter l'emploi occupé actuellement pour me diriger vers un autre horizon professionnel, et même si je garde la tête froide, cela rassure tout de même. A moins que d'ici là d'autres tsunami, d'autres cataclysmes, d'autres nuages radioactifs ne viennent balayer mes espoirs de repos mérité. Ou un autre texte de loi. Ou une chute à vélo. Il peut se passer tant de choses en une génération…En avril 86 Damien avait…trois ans, il en aurait 28 à'c't'heure. Sébastien avait 1 an, il aurait bientôt fêté ses 26 ans…Mince! Quelle tempête de chiffres! On aurait discuté de ce mois d'Avril 86, je leur aurais expliqué comment on avait vécu cette tragédie, je leur aurais décrit le laxisme de nos "responsables" politiques, leurs mensonges, leur égoïsme. Je leur aurais chanté les paroles d'une de mes chansons d'alors, "Plus jamais comme avant, la mort passera où passera le temps"….Fallait bien s'engager puisque les autorités désertaient. Je pensais que ça n'arriverait plus…plus jamais…comme avant. Oui on en aurait discuté en famille, devant une bonne bière. Mais il est tard Monsieur, il faut que je rentre…chez moi. 

Les nouvelles du Front ne sont pas très rassurantes. Je n'ai pas l'habitude de commenter l'actualité donc je ne ferai que me souvenir. Je sortais à l'époque d'une période électorale on ne peut plus absurde. Les municipales étaient passées depuis un an et je me remettais à peine d'une guerre fratricide qui avait remis à plat toutes mes envies d'engagement politique. Mais ma foi, il fallait bien se choisir un nouveau président pour notre vieille France conservatrice et je militai dare-dare pour le candidat de ma sensibilité. Le premier tour approchait et mon Dieu je n'avais guère d'illusion sur l'issue du scrutin. Pourtant quelques mois auparavant, j'étais confiant, Lionel n'avait pas encore dit de bêtises, les sondages étaient favorables, tout allait très bien Madame la marquise. Jusqu'à ce matin où la radio annonça la fusillade de Nanterre. Je me revois me tourner vers le collègue de travail et lui dire: "c'est foutu". Mais en fait y'avait pas que ce fait divers qui m'inquiétait. Les couloirs de l'usine résonnaient  de discours xénophobes et populistes à tel point que je finis par déchirer dans un premier temps ma carte de syndicaliste. Mais je gardais pourtant confiance. Le 21 avril 2002, je suis rentré dans une salle des fêtes silencieuse vers les 17h. Une amie s'est avancée vers moi: "T'as entendu les estimations?" J'avais rien entendu du tout, gros naïf que j'étais. La suite on la connait Je suis sorti vers 21h de la salle, jetant les mille morceaux de ma carte d'électeur dans le caniveau, et Rousseau n'avait rien à voir là-dedans. Et qu'on ne me fasse pas la morale. J'aurai donc la France que je mérite. Faisons confiance à notre jeunesse ( et à nos pêcheurs endimanchés).  

L'entretien a eu lieu. Normal, une demi-heure, sans difficulté particulière. Ils m'ont présenté le travail, les conditions, moi je leur ai exposé les miennes. J'attends maintenant le courrier qui devrait m'annoncer la bonne ou moins bonne nouvelle. Mais je ne me torture pas l'esprit plus que cela, la confiance fait le reste. En cas de réponse positive tout va aller très vite : démission de mon poste actuel, préparation de la longue période de déplacements qui commencera: 4 mois. Voyez-vous ça! Jamais satisfait l'Alain. Non content de l'avoir déjà vécu il y a 4 ans le voilà reparti à l'aventure. A son âge. Nouveau job, nouvelle maison, séparation momentanée en vue…Ce dernier point m'inquiète un peu je dois dire. On verra. Demain je sors le vélo. Je sais que la saison qui commence ne sera pas celle que j'avais prévue, tout en découverte et longues randonnées. Je comptais me rendre à l'Ascension faire une rando sur le Grand Colombier. Ce massif dont nous avons gravi un ou deux kilomètres de pente sous une pluie battante, avant de faire demi-tour par sagesse. Je me revois descendre, la mort dans l'âme, en retenant Fab d'une main, tant elle peinait pour freiner sur la route trempée. Ce jour là nous allions faire une grosse bêtise en voulant gravir la montagne, jusqu'à ce que devant nous la route barrée par un monticule de terre nous pousse à faire marche arrière. C'était en l'an 2000, l'année où je m'étais laissé pousser la barbe. Pour cacher l'incachable. Non j'ai pas une pomme de terre chaude dans la bouche, je n'ai pas voulu dire l'incassable, comme Window me le suggère, j'ai bien dit: incachable, c'est mon droit non?. Quoique incassable était juste aussi. Depuis le Grand Colombier attend mon retour.

Petit coup de froid ce matin. Une légère couche de neige recouvre les collines avoisinantes. Ici, le printemps est encore loin et il ne faut pas se fier aux éclaircies trompeuses qui ont baigné le pays ces derniers jours. Nous connaissons maintenant tous les secrets  de ce pays montagneux au climat rude et parfois surprenant. Nous y avons appris le calme, la patience, la réflexion, la découverte, la déception. Nous nous préparons doucement à cette transition attendue depuis de longs mois. On a beau venir du Nord, on ne s'habitue pas forcément à ces hivers prolongés, surtout lorsqu'on sait qu'à quelques encablures, un franc soleil prépare la bonne saison. Comme hier. Nous sommes descendus vers Clermont pour prendre un petit bain de foule, nous promenant dans des rues ensoleillées simplement balayées d'un petit vent frais, puis nous avons retrouvé le soir un crachin, quitté le matin, qui annonçait sans doute ce refroidissement soudain. L'espace de quelques minutes, de quelques kilomètres nous sommes passés de la lumière vive à une grisaille affligeante. Allez, on va arrêter de se plaindre. Dans l'ensemble, ce pays nous a remis sur jambes, inutile aujourd'hui d'en faire une critique acerbe sous le simple prétexte que l'ennui nous gagne un peu. Ce serait un manque de respect. Le dimanche sera calme, je vais le passer au milieu de mes doutes et de mon attente, pestant contre un changement de programme qui a brisé l'élan avec lequel je me dirigeais vers ces nouveaux projets. Un élan peut-être trop important. Le saut demande une bonne appréciation  dans sa préparation et je reprends mes marques soigneusement, réfléchissant à cet obstacle à franchir. Le reste dépendra de mes forces.      

La semaine vient de passer et je ne suis pas beaucoup plus avancé. Hier, quelques heures avant le rendez-vous tant attendu, une dame sans doute bien intentionnée m'a annoncé avec sa plus jolie voix que l'entretien était reporté d'une semaine. Info ou intox? Bon je lui ai fait comprendre qu'il fallait pas me la faire celle-là et que c'était ok pour le 2 mars. Anniversaire de ma belle-mère soit dit en passant. Elle m'a dit que je recevrai un courrier de confirmation. J'ai dit: je préfère. Tiens donc, cela me fait penser que pour ce premier rendez-vous manqué, je n'avais reçu aucun courrier. Donc. Je pense qu'il y a un peu de stratégie là-dedans, et je m'en amuse un tantinet. Cette confiance qui me porte depuis notre arrivée ici m'aide à  appréhender ce genre de problème dans sa complexité( Larousse).  Bref, après un moment de haine furieuse, je me suis fait une raison: les choses n'arrivent jamais quand on les attend. Ce genre de phrase toute faite rassure parfois. Alors on va attendre quand même, sans trop se biler, sans trop se faire d'illusions car après ce flop de départ je cerne un peu mieux les méfaits qu'une trop grande assurance pourrait provoquer. La semaine prochaine je rentrerai dans le bureau veillant bien à ce qu'ils ne me prennent pas de trop haut. C'est eux les demandeurs, non?

Mais parlons un peu d'autres choses. Alain, quand il était gosse, petit, gamin, il était chauffeur de bus. Il découpait dans un grand carton la forme d'un volant, ces grands volants qu'il voyait tourner entre les mains des chauffeurs de car qui le ramenaient le soir chez lui. Ou le conduisaient le matin à l'école. Il essayait toujours de trouver sa place à l'avant, face au grand pare-brise, et si c'était possible il restait debout, s'accrochant à la barre chromée. A cette époque les moteurs étaient encore à l'intérieur de l'habitacle, sous un énorme carter. Ca pétaradait agréablement et on avait l'impression que rien ne pouvait arrêter cette machine infernale. Poussez vous c'est nous qu'on arrive! Les voitures en face se garaient, le bus passait. On se demandait bien comment. Et Alain regardait cet énorme volant glisser entre les doigts du conducteur, il observait ces bras immenses tourner l'ustensile dans des contorsions inimaginables. Pas de direction assistée. On assistait rien à l'époque. Après ça a changé. Bref. Alain à l'avant du bus était le maître du monde, Léonardo, n'a rien inventé. Manquait que Rose. Il s'était dit:"plus tard je ferais ça". En attendant il jouait durant des heures avec son volant en carton. Puis, plus grand, il a conduit des camions, c'était presque pareil, du moins si on se réfère au volant. Il a fait des beaux voyages, dormi au bord des vignes réputées de Bourgogne, il en a bien profité. Mais ça n'a pas duré longtemps. Et il sait pas si aujourd'hui il a encore l'envie de conduire des bus, qui se conduisent avec le bout des doigts, sans doute pour pas abîmer le volant. On peut même plus rester debout devant le pare-brise. Ca fait même plus de bruit. C'est mieux pour tout le monde. Et tant pis pour Rose. J'ai dû comprendre cet état de choses très tôt, lorsque je me suis aperçu, qu'en fait les filles étaient toujours à l'arrière. Là où ça remuait pas mal. Et moi je préférais l'avant, près du volant. Puffff.

La semaine prochaine je serai fixé. Je saurai si je peux me préparer à affronter l'inconnu, si cette envie sous-jacente qui traînait en moi depuis quelques mois se vérifie ou si, comme un caprice trop vite assouvi, elle ne me laisse qu'un vague plaisir, celui justement de m'être fait peur, comme j'ai si souvent eu l'habitude de le faire. Plus je pense à cette nouvelle situation qui s'annonce, plus je sens renaître les forces qui me manquaient ces derniers temps. Quelques sacrifices sont d'ores et déjà à envisager. Les vacances! Ah ! ces chères vacances dont nous avions retrouvé tout le charme et dont nous commencions à préparer les prochaines péripéties. Pour cette année ce sera Auvergne pour tout le monde! Qui c'est qu'a dit "encore!"? L'année prochaine, si tout va bien, on retournera voir le Sud. Et puis, vous plaignez pas, ou je me fais muter à Boulogne. Non mais. Et le vélo, vous y avez pensé au vélo…La bonne idée que j'ai eu l'année dernière de faire tous ces kilomètres à travers ces paysages magnifiques et inoubliables. 22 cols j'ai franchi, la fleur aux dents, la tête dans les nuages. J'avais déjà préparé trois circuits pour la saison qui s'annonce, et ma foi, rien ne m'empêchera de les réaliser, si je rentre pas trop crevé de mes déplacements. Car ils vont me faire voyager ces bougres de nouveaux patrons. Vous allez voir du pays, qu'ils ont dit. Chiche! que j'ai pensé. C'est drôle, mais quand j'en ai parlé à Fab, elle a souri. Je ne cache pas que cet éloignement hebdomadaire et régulier durant les quatre mois que va durer la formation ne m'inquiète pas un peu. J'avais pris mes habitudes de pré-retraité ici. Petite journée de travail. Petite balade avec le chien, apéros du week-end…Tellement d'habitudes que j'avais commencé à m'en plaindre un peu trop au goût de certains… taines. Et il faudra apprendre aussi bien d'autres choses en matière de renoncement. Faire abstraction de cette nature à fleur de peau qui nous a accompagné durant toutes ces années, nous refaisant découvrir quelques valeurs négligées et même oubliées. Laisser cette étape de vie derrière nous, mais toujours venir y puiser tout ce qui nous a aidé à revire. Nous avons tellement appris en quatre ans. Et les enfants qui nous entourent aujourd'hui font résonner de leurs cris et de leurs rires l'évidence et la logique du résultat de cette longue quête d'espoir. Alors, vous pensez, les vacances...!  

…et tout comme il y a quatre ans, les choses se mettent en place d'elles-mêmes. Vous pouvez vérifier, rendez-vous dans les archives décembre2006, janvier 2007… Ce matin nous avons visité une maison dans un charmant village situé à quelques coups de pédales de mon supposé nouveau job. Gimeaux, il se nomme, et il est le lieu de rendez-vous chaque année des artistes de la région pour lesquels les habitants prêtent volontiers leur cour, garage, cave pour faciliter les diverses prestations. C'est le Printemps de Gimeaux. En Avril. Eh bien c'est assez surprenant, mais après toutes ces recherches pour trouver un lieu de vie un peu moins élevé afin de profiter un peu des douceurs de la plaine, ce matin nous avons fait affaire. C'est comme ça qu'on dit ici. Une location, pas un achat, mais une maison qui se prêtera bien au travail de Fab et , encore une fois si tout se concrétise, à 5km de mon boulot, ce qui me permettra de m'y rendre A VELO! Et Nico notre fils pourra exposer ses toiles, sans doute pas cette année, le programme devant déjà être bouclé, mais l'année prochaine…Ne pas boire le vin avant qu'il ne soit tiré, ne pas mettre la charrue avant les bœufs…oui tout ça je sais. Mais qu'il est bon de savoir que la vie est encore pleine d'imprévus. Que l'ennui recule, quel soulagement! Que le printemps arrive, la belle saison, et que j'espère à travers ces lignes pouvoir apporter un peu d'espoir et de courage aux âmes en perdition. Je le fais pas exprès, je vous jure.  Chers petits anges, vous pouvez être fiers de vous.

Une semaine plus tard, à la séance des tests, nous étions 6. Nous devions être 8. Mais à 13h30 précise, comme cela était indiqué sur notre convocation, ils ont verrouillé les portes : possible de sortir, mais trop tard pour les autres, ceux qui venaient de l'extérieur. Puis les tests ont commencé. Pendant qu'ils nous présentaient tout le tralala, je me revoyais quatre ans auparavant, lors des tests d'embauche Michelin, quelques rides en plus quelques dents en moins, quelques cheveux gris en plus, beaucoup d'autres en moins. Mon poids n'a pas bougé: 72. C'est pas mal. Je devais avoir un léger sourire au bord des lèvres, j'espère qu'ils se sont aperçus de rien, des fois qu'ils croiraient… Mais non, je prenais cette étape très au sérieux, les gencives enflammées à cause d'un détartrage décapant de la veille. Et je vous dis pas, dans ces situations de stress, les dents elles se rappellent à vous. Mais bon, je suis dans les temps. Deux heures plus tard je sortais en plein soleil, un mal de crâne héroïque sur les épaules, un sentiment bizarre au fond de mon âme. Le lendemain je recevais les résultats. C'est fou dans ces cas là comme les services postaux fonctionnent bien. Je recevais en même temps la réponse de Frontigan, comme quoi "malgré tout l'intérêt que représentait votre candidature…" Le Sud ce sera donc pour une prochaine fois. A croire que tout était synchro. Bon, les tests c'est ok, je vais attendre la suite, et puis…c'est quand même dingue non? Faudrait peut-être que je joue au loto….

Je suis arrivé devant l'agence du pole emploi un bon quart d'heure à l'avance. Il faisait glacial et pourtant je n'étais pas le premier sur les lieux. J'avais la chance, moi, d'être bien au chaud dans l'habitacle de la voiture, d'avoir un boulot, et je prenais comme un luxe d'être là, convoqué pour une réunion d'information au même titre que ces personnes sans doute moins bien loties que moi. Je suis donc sorti de la voiture et me suis rangé parmi eux pour partager cette attente dans le froid humide de ce matin de Février. J'ai toujours pensé qu'il fallait commencer par cela: réduire les différences. Nous nous sommes installés un peu plus tard dans une salle bien chauffée où les cadres de l'entreprise concernée par ces offres d'emploi nous ont présenté leur projet d'installation dans la région. Puis les entretiens individuels ont commencé. 10 mn. "Bon ben écoutez vous serez convoqué pour une série de tests la semaine prochaine". Je me suis retrouvé dans la voiture sans trop savoir comment. Je devais en principe reprendre la route de la maison avant de retourner au boulot, mais, je ne m'explique toujours pas comment aujourd'hui, j'ai réalisé que je me trouvais sur une route qui n'était pas la mienne. J'ai essayé de reconnaître les lieux et après ce moment d'absence de quelques minutes j'ai fait demi-tour pour aller directement au travail. Drôle d'impression de savoir que durant ce court laps de temps je m'étais comporté comme une machine, totalement coupé de la réalité, perturbé par ce changement soudain de perspective. Et depuis ça se bouscule dans ma petite tête…Il y a quelque temps je craignais ces habitudes qui reprenaient petit à petit le dessus, me demandant comment envisager cet avenir et voilà que tout semble se remettre en question, relançant une machine en perte de vitesse. Eh non, ce blog n'est pas près de s'éteindre…Ce ne sera peut-être pas le Sud pour l'immédiat, mais certainement une nouvelle éclaircie pour les mois à venir. Et qu'elle semble douce cette caresse d'espoir.  L'aventure ne fait que commencer! Alors fidèles accompagnateurs, restez avec moi...

Sur le coup je n'ai pas très bien compris ce qu'elle me disait. J'avais attrapé mon portable avant que l'appel ne s'éteigne et, énervé de ne pas trouver un endroit correct où il y aurait un réseau digne de ce nom, je lui faisais répéter ses coordonnées. J'ai entendu un accent du Sud hyper prononcé me donner le nom d'une entreprise basée dans l'Hérault, à Frontignan. Mon petit cœur de cycliste bien entraîné s'est alors emballé et je me suis mis à la fenêtre pour suivre la conversation. Je me suis rappelé de ce courrier envoyé trois semaines auparavant au sujet d'un boulot dans le sud, juste comme ça pour voir. Je voyais rien mais j'entendais. Que les questions qu'elle me posait était tout simplement un entretien d'embauche avec tout ce qui va avec. J'ai joué le jeu. On peut pas à la fois dire que vivement qu'on parte et gnagnagni sur un blog et jouer l'autruche dès qu'on nous tend la main. Le dialogue a duré une bonne vingtaine de minutes. 22, j'ai été vérifier. Pour terminer elle a dit que si je faisais pas l'affaire je recevrai un courrier. J'ai toujours rien reçu et ici il fait –5 de moyenne depuis hier. Nous sommes passé dans ce coin de paradis il y a deux ans, j'en garde d'ailleurs un drôle de souvenir du port de Sète où nous sommes restés bloqué dans les embouteillages, mais on ne faisait que passer…Quand je suis redescendu, Fab a trouvé que j'avais un drôle d'air. Je lui ai tout expliqué. Et ma foi ma surprise a été grande, car le message est très bien passé. Depuis et bien tout semble avoir été chamboulé en moi. Demain j'ai un rendez-vous pour un autre boulot et d'autres projets se mettent en place miraculeusement. J'irai pas jusque là quand même, mais zut à la fin…Ca fait du bien de se dire que le voyage n'est sans doute pas terminé. Et samedi Fab est revenue des courses avec une bouteille de muscat…de Frontignan.