Quelle belle journée…22 degrés et un ciel de bleu de printemps, ça me rappelle il y a 4 ans lorsque je suis arrivé ici en éclaireur. Je me souviens d’une soirée passée seul dans les rues de Clermont, à quelques jours de Noël. Il faisait si doux que j’avais pu déguster une bonne bière en terrasse de café vers 20h. Ces souvenirs me reviennent intensément en ce moment, comme si je les voyais s’éloigner jusqu’à se perdre dans les méandres de ma mémoire. Il se passe vraiment quelque chose depuis quelques semaines. Comme une coupure, une pause, peut-être une lassitude, un peu de fatigue. Je ne sais pas. Je relis toutes ces notes avec un sourire énigmatique au coin des lèvres, un peu triste, un peu désemparé. Cet éloignement de souvenirs me perturbe, trop habitué que j’étais à vivre de manière résolue cette nouvelle vie. Elle est installée aujourd’hui, bien en place, et je me rends compte que je ne saurais m’en satisfaire. Je ne peux pas me permettre l’immobilité. Trop difficile pour moi qui ai toujours refusé l’immobilisme. Ce n’est peut-être qu’un état passager, une prise de conscience. Un manque d’énergie. L’ennui. Ou la fin d’une aventure de quatre années. Et contrairement à l’Histoire, « l’aventure ne se recommence ni se prolonge ». La Nausée, alors ? J’aimerais avoir un peu de temps pour comprendre…
« Dans la petite pièce où on attendait, se trouvaient quelques gens de la nuit, se tordant les doigts, parlant à voix basse mais assez fort pour que l’on puisse comprendre le pourquoi de leur présence. C’était une nuit calme, sans vraiment de mouvement, les couloirs semblaient silencieux et déserts, nous attendions. Une porte claquait de temps à autre, une infirmière marchait à petits pas pressés, tête basse, semblant réfléchir, une main dans une poche de sa blouse, l’autre tenant soit un dossier, soit un instrument de contrôle. Derrière son comptoir d’accueil, une autre nous jetait parfois un regard souriant, réconfortant, rassurant, puis replongeait son nez dans un document quelconque ou un magasine spécialisé. Ou pas, d’ailleurs. Je ne ressentais aucune émotion. J’attendais. L’interne de garde m’avait cassé dès notre arrivée. Je me souviens m’être promis de le retrouver un jour cet énergumène. Sans pitié je serai. C’est toujours ce que l’on se dit dans ces moments là puis on laisse tomber, mais on ne pardonne pas. Il ne faisait pas froid, loin de là, nous étions en juin, en pleine canicule, ça on ne l’a su qu’après, en septembre. Je ne me souviens plus très bien des chiffres, mais ils parlaient d’eux-mêmes. C’était une douce nuit de début d’été comme celles que nous passions, enfants, à l’approche des vacances, à jouer dans les rues jusqu’à ce que nos parents viennent nous rechercher, inquiets de nous savoir dehors à cette heure de la nuit. Une infirmière s’est approchée et nous a demandé ce que notre fils avait mangé, sans vraiment y mettre les formes. Il n’avalait plus rien depuis une dizaine de jours, j’ai compris alors qu’elle me prenait pour un con. »