VU DU BALCON : ARCHIVES

Ce matin de veille de Noël ne s'annonçait pas sous un bon jour. Je me suis levé avec une migraine qui allait me pourrir la journée et pour me donner du courage, j'ai, comme d'habitude, relativisé. Un mauvais rêve me laissait l'esprit un peu lourd je me suis dit alors que l'on verrait bien les annonces des heures à venir. La neige était annoncée pour la nuit prochaine par contre il tombait sur Paugnat une glace vicieuse et invisible. La journée se passa difficilement dans le froid et cette ambiance de veille de fête que l'on a peur de voir gâchée par un événement indésirable et perturbateur. Je suis rentré chez nous sous une pluie verglassante qui collait au pare-brise plus vite qu'elle ne fondait. Fabienne m'a annoncé une naissance dans la famille, Nina, cela m'a rassuré de savoir une résurection possible, quelqu'elle soit, je me suis fait une sieste qui ne m'a pas reposée, puis  j'ai avalé quelques tasses de café fort pour tenir la soirée. La neige s'est mise à tomber sur la route glacée, mais nous avons décollé pour nous rendre à travers les routes de montagne chez une sœur de Fab. En seconde. Et je tiens là, à faire un peu de pub pour le manufacturier qui a conçu les pneus neige montés sur ma voiture depuis trois ans, que je n'ai jamais démontés , même par beau temps et qui ce soir m'ont prouvé une fois de plus le sérieux avec lequel les ingénieurs ont réalisé leur job. Avec la sueur que je leur ai laissé durant quelques mois, ils me devaient bien cela. Nous sommes arrivés à bon port. Le réveillon s'est bien passé, dans une ambiance chaleureuse et simple. Mes cadeaux, tout comme l'année dernière m'ont comblé (vidéo Talking Heads, livres de Djian, CD de Cocoon…) et vers trois heures et demi nous avons repris la route sous les bourrasques de neige, en seconde, toujours. Une bonne montée d'adrénaline nous a tenu en forme jusque notre chez nous. Fab ne disait pas un mot mais je la sentais rassurée par ma conduite prudente et maintenant expérimentée. Et je me suis demandé ce qui pouvait encore bien me faire peur ce soir. C'est quand on se pose ce type de question qu'il faut être le plus vigilant. Et ma migraine avait disparu. BON NOEL. Ah, j'allais oublier, Nina ma mère se prénomait.

Elle a dit à sa fille:" Tu sais au ciel, il n'y a rien, on meurt et c'est tout…" Et moi je lui ai dit: " pourquoi tu lui dis ça, qu'en sais-tu en fait?" Elle ne m'a pas répondu, regardant le vide devant elle, comme si elle cherchait une réponse, un argument. Je ne cherchais pas à prouver quoi que ce soit, je voulais simplement qu'on laisse la liberté à cet enfant de choisir son chemin. Je me suis éloigné et je suis resté avec mes questions en suspens. J'avais besoin d'une cigarette, moi qui ne fume pas. Quand je ressens cette envie c'est que je suis au bout de moi-même, sans force, anéanti par quelques secondes de vie. C'est à la cigarette que je pense, et c'est un moindre mal, mais un mal tourné contre moi, toute ma personne, jusqu'au plus profond de mon âme. Alors dans ces cas là, je m'éloigne toujours, je ne  veux pas que l'on remarque ce mal être. Puis je suis revenu vers elle et j'ai continué:"tu sais je pense qu'il faut au moins croire en l'espoir de quelque chose…" Elle regardait toujours dans le vide, puis s'est tournée vers l'enfant, et a écrasé sa clope, nerveusement. Aujourd'hui, bien des années après ce court dialogue, elle ne fume plus. C'est déjà ça.

Les sirènes ont retenti toute la nuit. Les couvertures remontées au raz des yeux j'ai fixé le plafond durant des heures écoutant le vrombissement lugubre des bombardiers qui traversaient le ciel. Parfois au bas de chez nous, une escouade d'engins militaires passaient à vive allure, faisant trembler la maison, arrachant tout sur son passage. Je ne sais plus vers quelle heure j'ai vu s'avancer une troupe de fantassins armés jusqu'aux dents, traînant difficilement leur barda dans la neige. Quelques détonations ont retenti dans la plaine, éclairant par moments la chambre protectrice. Puis j'ai dû m'endormir épuisé de peur. Je me suis levé vers 6h. Après un bon petit'dej, je suis sorti pour déneiger la cour, pour le chien. Vu sa taille, je pense que pour lui ce devait être la fin du monde. Tout était calme. La guerre était finie et Mr le Président pouvait rentrer ses blindés. Ce n'était qu'un mauvais rêve. 

J'ai relevé la tête de mon assiette lorsque Pujadas a annoncé que des blindés circulaient sur les autoroutes en prévention des intempéries. J'ai posé ma fourchette et j'ai appuyé lourdement ma tête entre mon pouce et l'index, posant mon coude sur la table. Fabienne s'est mise à rigoler et moi je trouvais cela navrant. Pas qu'elle rigole, non, j'aime la voir comme cela, mais que l'armée soit appelée pour ce genre de situation m'a une fois de plus désespéré de la bonne santé mentale des gens qui nous gouvernent. Voilà donc comment tourne la planète maintenant. Et durant des années j'ai entendu les gens se plaindre de ne pas avoir de neige à Noël. Ce soir Ils déclarent la guerre au Père Noël. Des blindés. Vindious!….

Moi aussi, j'aime les chats. Ils ont paraît-il des pouvoirs relaxants, attirant vers eux nos mauvaises ondes. Je veux bien le croire, à défaut d'en avoir une preuve concrète. Enfant, à la maison, nous en avions un minimum de deux. Je me souviens en avoir compté quatre, lorsqu'un jour en revenant de l'école et alors que je m'apprêtais à franchir le seuil de la maison, je les ai vu passer en vol plané, à un bon mètre du sol, à la queue leu leu. Ma mère, même si elle était large d'esprit, avait ses principes et, maniaque de nature, elle n'admettait pas que ces petites boules de poils viennent saper son travail de ménagère assidue. Moi je m'amusais bien avec ces compagnons de jeu. Que de parties de rigolades à les voir courir après un bouchon attaché à une ficelle, dérapant dans les virages sur le lino hyper glissant de la chambre. J'ai pas été toujours tendre avec eux et je tairai les quelques aventures à hauts risques dans lesquelles je les ai emmenés. Malgrè cela, ils étaient bien chez nous, car je ne me souviens pas qu'un seul ne soit jamais revenu. Ils sont comme cela les chats. Négligez- les et c'est le divorce assuré. Ils partent on ne sait où pour trouver ailleurs ce qu'ils n'ont plus chez eux. Des différentes portées que la mère de tous ces félins avait eu, je me souviens d'un rebelle, toujours en quête de bagarre, jamais au bercail, parti parfois des jours sans nouvelles. Nous l'avons vu revenir un matin, alors que nous le croyions mort, un œil en très mauvais état. Il resta quelques jours à la maison, souffrant en silence, puis disparut pour de bon. La mère de tous ces chenapans quant à elle, est morte un matin, renversée par une voiture, devant chez nous. Je l'ai vue se retourner vers la fenêtre, derrière laquelle, immobilisé avec une jambe dans le plâtre, je ne pouvais que subir son agonie. Cela m'a beaucoup aidé par la suite. Colette disait que l'on apprenait beaucoup à observer les chats. Fab en a une crainte maladive, c'est pour cela que je me passe de cette présence féline aux regards doux et étranges. Pyrus notre chien les adore également. Je vais pas m'étendre là dessus, c'est contre nature, et  pourtant…   

Je me suis planté devant la porte vitrée et j'ai plongé mes mains dans les poches de mon jogging. Fabienne dormait en haut, essayant de récupérer d'une semaine éprouvante nerveusement. J'avais bien essayé de m'assoupir quelques minutes mais l'espèce de chien fou du voisin, un monstre qui nous détruit la vie depuis deux ans, s'est mis à aboyer après rien. Peut-être le brouillard dessinait devant ses yeux des formes bizarres qu'il ne comprenait pas. Rien à comprendre. J'ai bien essayé de parler de cela avec son maître, mais je pense qu'il est du même gabarit. Idem pour la femme du maître. J'ai fini par laisser tomber. A eux trois ils n'en valent pas la peine. Et je continue à regarder, en passant devant chez eux, ce chien idiot se lançant sur sa chaîne et en bout de course réaliser un saut périlleux pour se planter lamentablement le museau dans la poussière. Je regardais ce ciel gris, rempli de neige à venir, et je me suis demandé si une bonne carabine ne ferait pas l'affaire. Car ils ont  tout essayé : collier anti- aboiements, ultra sons qui faisaient plus de mal à nos oreilles qu'à l'animal stupide, jusqu'aux pétards qui éclataient bien après les rugissements du monstre. Rien à faire. Il gueulerait comme ça jusqu'à sa mort, mais nous on serait plus là. En guise de pétard, à mon avis ils devraient lui mettre quelques grammes dans sa gamelle, on serait tranquille un moment, et qui sait? Bref, l'après-midi s'avançaient tristement. Cela avait commencé à midi, en ouvrant un super bocal de "coq au vin" de marque réputée. Sauf qu'une fois dans la casserole, deux minuscules morceaux de volaille se noyaient dans une multitude de quartiers de pommes de terre, et qu'à bien y regarder l'étiquette, le coq était tout simplement du poulet. Mais ça bien sûr, c'est toujours indiqué en petit. On s'est contenté de finir les restes d'hier soir, que notre voisine, invitée de passage, n'avait pas terminés. Quelques spécialités que Fabienne avait confectionnées avec amour. Et je me suis dit, en écoutant le chien, qu'il fallait, quoiqu'il en soit, toujours garder son calme. C'est à ce moment, qu'à une dizaine de mètres de la maison, la sirène dont j'ai déjà expliqué la puissance sur ce blog, s'est mise en route, réveillant Fab. Puis j'ai été promener mon chien, dont l'intelligence m'étonne toujours.

Faut'y être bête. Retraversant une période"Talking Heads", je voulais me repasser Le dvd dont sont issues les quelques vidéos que je laisse sur le blog. Malheureusement j'ai l'image et pas le son. Si dans la vie cela pouvait arriver dans certaines situations, je ne m'en plaindrai pas trop. Après avoir bidouillé à droite et à gauche ( je bidouille rarement à droite, et ma foi, à gauche cela fait longtemps que ça m'est arrivé) j'ai accepté sans le faire exprès une mise à jour de window média. Non seulement rien a été mis à jour mais le window média en question est inutilisable, effacé, confisqué. Bon. Je me suis donc installé un autre logiciel de lecture mais le problème existe toujours j'en ai donc conclu que le support devait avoir un problème et je n'ai plus touché à rien. J'ai juste lancé l'idée pour Noël. Et il n'y a pas que window média qui a été effacé. La neige aussi. Difficile de croire qu'il y avait encore vingt bons centimètres hier. Tout semble lavé, rincé, comme si l'intempérie n'avait jamais existé. Il me reste simplement un mal de lombaires causé lors d'un déneigement acharné d'un parking, qu'un tracto pelle a résolu en cinq minutes, et celui des appartements que la pluie a définitivement rincé en une heure me plongeant dans un écœurement sans nom. Il ne me reste qu'à subir ce mal de dos durant une bonne semaine en attendant la prochaine alerte orange qui devrait se déclencher d'ici une semaine. Mais cette fois ils iront se faire voir, les voisins, les chauffeurs et les Talking Heads. Pffffff…. 

Pour aller à ce concert, Kamel avait emprunté la voiture de son père, une Opel, je crois. Ou une Ford, je sais plus. Ce model des 70's qui sentait bon le simili et l'essence. Il fallait rejoindre Lille et à l'époque l'autoroute pouvait mal d'être terminée. De timides tronçons faisaient leur apparition ici ou là et la plupart du temps on se retrouvait coincé dans des embouteillages à n'en plus finir sur l'ancienne nationale. Je me souviens avoir refait cette route bien des années plus tard, mais à vélo, et à 18km/h on a le temps de se souvenir. C'était une chouette soirée, mais le temps n'était pas fameux. Kamel n'arrêtait pas de délirer, comme à son habitude et l'ambiance dans l'habitacle était on ne peut plus jovial. A ses côtés, Véro. Image qui me noue encore la gorge ce soir et provoque soudain un épais brouillard sur ses moments uniques. Mais bon.  Nous allions voir deux groupes devenus mythiques par la suite mais qui sortaient juste des caves New-Yorkaises à l'époque: Les Ramones et en première partie, les Talking Heads. Je n'étais pas aussi branché que mon ami, mais je lui faisais une totale confiance car c'était par lui que toute la bande était mise au courant des dernières nouveautés. En écoutant les Talking Heads j'avais plutôt l'impression d'entendre un groupe de bal banal et Kamel s'en offusqua à juste propos. Mais ce que je vis et entendis ce soir là dans la petite salle du Macumba me perturba irréversiblement. J'eus l'occasion plus tard de revoir ce groupe dans une plus grande salle, dans une autre dimension, dans un autre monde. Leur musique m'a toujours interpellé et je la ressens comme au premier soir. Celui où je nous vois, quelques fous chevelus devant la scène d'une boîte où des filles nues se frottaient le long de tubes fluorescents. Je sais j'ai déjà parlé de tout ça. Merci Kamel. Merci Véro, prend bien soin de mes tiots, là-haut. 

Je pensais ce matin dans la voiture:" c'est drôle on a l'impression que le Boss qui s'occupe de la météo tout là haut s'est dit il y a une semaine: tiens où j'en étais l'année dernière? Ah oui, je les ai bien mis dans la peine avec mon super hiver, reprenons donc notre travail…"et qu'après une super sieste d'un an il nous remettait ça de plus belle. Comme si le temps s'était écoulé l'espace d'une nuit. Car je n'avais pas encore descendu le col de la Nugère en …première! En seconde l'année dernière, je trouvais déjà cela énigmatique, mais ce matin, quand j'ai dû m'arrêter, calmement, passer la première et prier pour que mon ulcère n'implose pas avant le bas de la côte, j'ai trouvé cela dramatique. De l'autre côté du rail en béton, un poids lourd venait de se mettre en portefeuille et une file de voiture s'agrandissait au fur et à mesure que nous dans l'autre sens on faisait semblant d' être des Fangios maîtres de leur destin.  Toujours dans la descente, sur la voie de dégagement, une voiture était garée et à l'intérieur la conductrice, cigarette au bout des doigt, se mordant le petit, attendait que ça se passe. Ah Ah, on fait moins la maligne, hein! 30cm de poudreuse et on perd ses moyens! J'ai eu comme une envie de m'arrêter et de lui demander si fallait pousser pour redémarrer. Et puis une petite heure après je suis arrivé au boulot, où deux camions chargés à bloc m'attendaient pour repartir vers d'autres aventures. Une bonne journée de labeur commençait, la troisième au bout de laquelle on ne me dirait pas:" vous pouvez vous barrer".   

Moins 8 degrés dehors. Pour réchauffer l'atmosphère je me suis mis quelques couches de Ramones. Puis j'ai pris mon cahier"à petites phrases " et j'y ai trouvé: " Chaque jour qui passe est comme le cerceau de feu que les lions essaient de sauter". Philippe Djian Bleu comme l'enfer. HEY HO LET            'S GO!!

Difficile d' arriver au boulot ce matin. 50mn au lieu des vingt habituelles. La descente de la Nugère avait des allures de descente aux enfers, j'ai compté trois voitures au fossé. J'étais content une fois sur le parking de mon lieu de travail. Parking qu'il a fallu déneiger à la pelle pour permettre aux camions de pouvoir se mette à quai. J'y ai pas été avec le dos de la cuillère pour saler le macadam et tant pis pour les nappes phréatiques. Ca m'a pris deux bonnes heures et satisfait du travail accompli j'ai attendu les camions qui avaient été bloqué cette nuit. Cinq minutes après j'ai vu débarqué un tracto- pelle rutilant qui en deux trois coups de godet a réduit à néant le plaisir que j'avais à regarder mon travail de forçat. Et le mec dans sa cabine il s'amusait comme un fou:"z'avez vu mon tracto, ça c'est un beau tracto…vroum, vroum.." J'ai fermé les volets et j'ai attendu les camions. La journée s'est terminé vers 17h30, au lieu de 16 mais j'ai pas été trop regardant vu le nombre d'heures que je dois à mes patrons qui ont la gentillesse de me dire de me "barrer" dès que mon travail est terminé. C'est la raison pour laquelle je m'attache à ce boulot. Dès que c'est fini on peut se "barrer". Pour moi qui suis si scrupuleux je mets souvent ma conscience à rude épreuve. Mais je me dis qu'après tout, mon petit smic vaut bien que je mette mes principes en veilleuse. Je suis rentré chez moi, toujours aussi péniblement avec toujours une espèce de rapace dans le dos qui s'imaginait que j'allais me foutre dans la neige pour le laisser passer. Y rigolent les bougnats. Une fois sous la douche j'ai vite décompressé, sauf quand Fab m'a appelé pour bouger la voiture car le proprio pouvait pas sortir sa voiture du garage. Ca a coincé, là. La raison? Vous me connaissez maintenant, il est inutile de vous faire un dessin. Demain sera un autre jour. Et ce soir j'écoute les Ramones,et au concert en 77 au Macumba de Lille, en pensant au type dans son tracto ce matin, vroum, vroum…. Z'avez vu mon beau tracto...