VU DU BALCON : ARCHIVES

Je me suis reposé, cette semaine. Tellement je me sentais cassé. J'ai essayé de récupérer toutes ces heures de sommeil laissées là- bas, près de Nancy. Tout en finissant un morceau de quiche Lorraine que Fab m'avait amoureusement cuisinée (?), j'ai regardé les infos, essayant de zapper plus vite que les images des fastes du mariage m'étaient infligées. Mais ils étaient plus forts et plus rapides que moi. J'ai donc attendu que ça se passe. Feuilletant machinalement un magasine. J'ai pensé  au bouquin de Philippe de 900 pages que j'avais remisé pour les prochaines vacances, si j'ai la chance d'en avoir encore. Je l'ai arrêté au début de la saison 2, et il y en a 6. En fait je suis en attente. J'ai déposé des candidatures un peu partout et, un malheur n'arrivant jamais seul, si tout va bien, car il y a du boulot par ici, je ne devrais pas rester longtemps inactif. Pourtant y'a des fois je me dis…acheter une camionnette , prendre le vélo et partir à l'aventure…pourquoi pas? Ces quinze jours dans l' EST n'ont pas été que négatifs, bien au contraire. J'ai appris des autres, j'ai suivi des routes que je ne connaissais pas, je me suis séparé. J'ai mesuré le poids de l'erreur. Aux infos régionales ils ont parlé d'un type qui allait descendre la Loire à la nage. C'est pas son coup d'essai, il a déjà traversé le grand Nord, seul en autonomie complète. Un ancien architecte qui a tout plaqué. Des gens comme ça y'en a plus qu'on le croit. Mais ça n'intéresse pas 3 milliards de personnes. Les princes s'embrassent au balcon et ça ne choque personne, ça réjouit tout le monde. Et moi, que me reste-t-il à écrire, le sempiternel recommencement de vie? Pas certain que j'ai vraiment envie de le faire, mes quinze siestes de cette semaine ne m'ayant pas reposé tout à fait. Après ce faux pas j'ai plutôt le désir de laisser venir la vie comme elle sera. Ca commence pas très bien. Le bouquin de 900 pages va être long à terminer, la quiche Lorraine aussi. Le point d'interrogation d'en haut concernait la quiche, pas l'amour…  

De la note précédente, je regarde la photo de cet adolescent chevelu en écoutant un vieux  Neil Yong au rythme lourd , comme un peu fatigué. Cet album avait été, paraît-il, réalisé en pleine nuit, le chanteur ayant réveillé ses musiciens pour obtenir ce son lancinant. Harvest, album sorti bien avant que l'adolescent en question pose pour la photo à l'entrée de sa vie d'adulte. Mais quand y est-il entré en fait? En perpétuelle recherche de vérité et de justice il n'a pas cherché à vraiment quitter l'image qu'il avait de lui depuis 78. La semaine dernière son fils lui a dit avant de partir: "fait gaffe à ta santé"…A croire que ce dernier bout de lui sentait dans la nouvelle aventure que son géniteur entreprenait un danger sous-jacent, une onde mauvaise et inquiétante. Je regarde la photo et je me dis, l'essentiel est sauvé. Le lacet entourant le cou ne s'est jamais resserré. Bien sûr, parfois il a fallu batailler, il a fallu comprendre les erreurs, assumer le sacrifice de quelques idées. Mais n'est-ce pas à ce prix que l'on devient libre? Durant les quinze jours qui viennent de passer en compagnie d'une autre génération il a appris qu'une étape venait d'être franchie. Que désormais il allait falloir composer avec d'autres paramètres. Je regarde ce sourire discret soulignant un regard scrutant l'objectif pour y défier l'avenir qui s'avance. Patti Smith sur le cœur, chemise blanche ouverte sur une poitrine ouverte à tous les vents à venir. Comme j'aimerai encore avoir cette bouche généreuse et insouciante, ce soir les lèvres se son tpincées et refermées sur trop de peine, comme pour ne rien laisser échapper. Je regarde cette image que j'ai eu à l'esprit quand, dans un dernier sursaut j'ai dit non à cet abandon dans l'inacceptable. Et je dis que l'essentiel est sauf.

Old Man (Vieil Homme) Vieillard regarde ma vie, je ressemble à ce que tu étais  Vieillard regarde ma vie, vingt quatre ans et plus encore Vivre seul au paradis me fait penser comme deux Amour perdu, à un tel prix, Donne-moi des choses qui ne peuvent se perdre Comme une pièce qui refuse d'être lancée Et qui roule pour revenir jusqu'à toi Vieillard jette un oeil sur ma vie Je te ressemble beaucoup J'ai besoin que quelqu'un qui m'aime du matin au soir Ah, un seul regard dans mes yeux peut te le prouver Berceuse, regarde dans tes yeux Parcourir toujours la même ville Ne signifie pas grand-chose pour moi, mais pour toi cela veut dire beaucoup J'ai été premier et dernier, À regarder comment le temps s'est écoulé Mais je suis seul à la fin Roulant pour revenir jusqu'à toi  Vieillard regarde ma vie, je ressemble à ce que tu étais

Saison 2, suite et fin.

Cela existe encore. Je l'ai vu, entendu, senti, vécu. Il y a encore des chefs tortionnaires, des conditions de travail inacceptables, des ouvriers soumis et fatalistes, n'osant ni manger, si se parler, ni sourire, ni même espérer. Il y a encore des êtres humains qui n'ont même plus la force de rêver. Et moi, parmi eux, tout étonné de découvrir ce monde que je croyais révolu. Il y a encore des matons dans les ateliers, des directeurs alcooliques et insensibles à la douleur humaine. Et moi, parmi eux, qui participais à la tuerie. Fatigué, trompé et anéanti devant tant d'injustice, je me suis regardé dans le miroir et j'ai pensé à mes gosses : que penseraient-ils de moi ? Comme tortillé soigneusement dans un emballage de friandise par des cadres peu scrupuleux de savoir comment j'allais être dégluti, j'ai secoué ma carcasse douloureuse et je me suis réveillé au milieu de cet anéantissement lent et criminel. " Ils" nous avaient présenté leur projet à grands coups de" frais tout payés", de "formation top niveau" et voilà que je me retrouvais au centre d'une arnaque immonde dans laquelle la vie n'a de valeur que par la sueur et les douleurs qui la façonne. Non. Messieurs je ne ferai pas partie, je ne serai pas acteur ni complice de ces cris qui résonneront dans quelques mois, quand il sera trop tard, quand la machine infernale aura laminé les ardeurs les plus sincères, quand le dos au mur, nos braves soldats essaieront en vain de défendre le peu qu'il leur reste à sauver, leur orgueil. Je laisse le choix à chacun de penser et d'espérer, mais moi, j'arrête. J'arrête là ces nuits sans sommeil, cette hypocrisie sans nom et je vais voir ailleurs, si les vents sont meilleurs.

 

Sans travail, mais libre.  Les explications viendront plus tard...

Saison 1

Lundi 11

J'ai quitté Paugnat au petit matin au volant d'une Laguna grinçante mais confortable. Je ne suis pas habitué à ce genre de navire. Surtout si je sais qu'il n'en est pas à son premier voyage et que, vu de l'extérieur, on s'imagine tout de suite la nature des péripéties. Mais bon, c'est déjà pas mal, Ils ne nous ont pas fourgué la clio de service. 600 bornes, c'est une trotte quand même. Un par un, je suis allé cherché mes acolytes qui vont être mes compagnons de galère durant ces 4 mois. Il fait encore nuit noire quand nous quittons les dernières bosses auvergnates pour nous diriger vers l'Est. Nancy. Nous y sommes arrivés vers midi. Le voyage ne nous a pas semblé trop long, les jeunes ont la conversation facile, quand ils se sentent en sécurité. Puis accueil sur notre nouveau lieu de travail, installation à l'hôtel et repos.

Mardi 12

Prise de contact avec notre nouveau boulot, et les Lorrains. J'ai tout de suite retrouvé une ambiance de travail en équipe un peu similaire à celle que j'ai quitté dans le Nôôrrd..! Cette prononciation, bien souvent je vais l'entendre, mes trois auvergnats tenant à me faire comprendre que oui, ils ont gardé de bons souvenirs du film. Ce mardi la météo a pris un sacré coup de froid et les soirées au boulot sont pénibles, nous n'avons pas prévu de vêtements chauds, croyant qu'"Ils" allaient nous les fournir. On peut pas tout avoir…

Mercredi 13

Le scepticisme prévaut. La mise sous pression semble fonctionner. En matière de formation c'est une mise au turbin sur le tas, tu piges c'est bien, tu planes, tant pis. Mais ça va, les jeunes sont rigolards, le sens de l'humour renforce et lamine le doute. On se met à la place de "Ils" et on se doute bien qu'"Ils" doivent nous jauger le plus rapidement possible. Que les choses soient claires: moi j'irai jusqu'au bout de ces 4 mois, tous frais payés sauf le polaire, ensuite la balle sera dans  leur camps.

Jeudi 14

C'est notre vendredi à nous, demain on sera chez nous, les auvergnats semblent s'ennuyer de leurs montagnes, moi aussi. Pourtant la Lorraine semble être un beau pays, avec ou sans sabots. Il nous faudra la découvrir. L'ambiance du groupe est bonne, comme nos repas à l'hôtel, comme notre moral, comme notre confiance en "Ils".

Vendredi 15

Il fait beau. La Laguna grince allègrement sur le chemin du retour. Les jeunes sont bavards juste ce qu'il faut, c'est à dire rigolos et lucides. Ca fait plaisir à voir. Aux premiers panneaux annonçant la direction de Clermont ils me disent que ça commence à sentir bon. Moi ça fait un mois que j'ai le nez bouché et qu'il va falloir que je me décide à aller voir un spécialiste. Au loin, dans un voile de brume bleue la ligne caractéristique de la chaîne des Puys se dessine, et je leur dis que s'ils regardent bien on peu apercevoir l'extrémité du Puy de Paugnat. Eclats de rire bon enfant: " Yen encore de la neige là-haut?!" Ouais, rigolez, les enfants, n'empêche que c'est grâce à lui si on s'en est sorti, moi Fab, Nico et le chien.

 

Je n'ai lu que vingt pages de Doggy bag.

La semaine de présentation est terminée. Nous savons, nous les vingt chanceux qui vont avoir le privilège de démarrer cette nouvelle entreprise, de quoi seront faits les quatre prochains mois. Pour ma part, avec trois autres collègues aussi pressés d'en découdre que moi, nous allons faire nos premiers pas sur un site de Nancy durant 9 semaines (et demi?). Tous frais payés. Ils ont mis le paquet et ma foi, je pense qu'il ne faudrait pas faire le difficile devant la palette de moyens qu'ils ont mis en œuvre pour que notre séjour professionnel se passe dans les meilleures conditions. Puis ce sera l'Allemagne, puis la Vendée, puis Avignon… et nous serons en Août…Je ne peux que m'interroger devant cette accélération subite de cette vie qui semblait marquer le pas depuis quelques mois. Si vous avez suivi le blog vous en avez été témoin. Quelles sont donc les conclusions qu'il faut en tirer? Moi je n'en vois qu'une, bien qu'elle soit toute personnelle mais qui rejoindra les idées de quelques fervent(es) lecteur(trices). Depuis ces quatre années durant lesquelles tant d'évènements sont venus s'ajouter les uns aux autres, chacun à leur place, à un moment bien précis, je ne peux qu' émettre l'idée que notre croyance en nous, nous porte vers ce que doit être notre vie. Ne pas écouter les sirènes de l'impossible, essayer d'envisager d'autres valeurs que celles que l'on a toujours essayé de nous imposer à grand renfort de gadgets subliminaux qui, il faut bien l'admettre, ont parfois touchés leur cible. Je me souviens de cette question avant de repartir à zéro: sommes nous capable de nous passer de notre confortable sécurité matérielle? Sommes nous capable de redescendre la barre, juste pour le plaisir de retrouver les gestes indispensables et nécessaires pour franchir les différentes étapes menant au succès? Nous avons une des réponses ce soir. Et si ce blog devait s'arrêter suite à cette évidente réponse, alors c'est sans doute qu'il n'y aurait plus rien à en déduire. Mais d'autres chemins restent à découvrir …

Ce serait bête, n'est-ce pas, de ne pas aller voir plus loin…     

J'ai commencé l'intégrale de Doggy Bag. 900 pages. Je pense en avoir assez pour les semaines que va durer la formation. J'ai commencé aussi un peu d'exercices de musculation. Pour les jambes, le vélo me suffit, mais mes petits bras de cinquante ans demandent un peu d'attention. C'est que je vais devoir travailler avec de jeunes loups tout pimpants qui ne manqueront pas de me faire remarquer qu'on ne travaille pas à armes égales. Tout dépend de quoi on parle. De quelles valeurs. Mon expérience d'il y a 4 ans m'a montré qu'il ne fallait pas être trop tendre avec cette jeunesse pas assez solidaire d'après moi. Chacun pour sa pomme doit être la nouvelle philosophie d'un monde auquel j'ai décidé de ne jamais adhérer. Je les vois et les entends déjà ces pianoteurs d'Ipad, d'Iphone, d'Ipod, me faire comprendre à coups de regards fuyants que l'on est au 21^ème siècle. C'est à dire un siècle en perpétuelle guerre mondiale, en crise permanente, où l'on communique sans se parler, où l'on n'est jamais certain de la qualité de ce que l'on mange, ni de la qualité des nuages qui passent, paisibles, au-dessus de notre tête…Donc faut pas trop qu'ils me la fasse…Et ils ont tout intérêt à être à l'heure au rendez-vous le lundi matin pour le départ en bagnole: CAR C'EST MOI QUI CONDUIT. Et je n'ai pas envie de trop jouer les conciliateurs. Je tiens cet état d'esprit depuis mon expérience malheureuse de 2007, durant laquelle, travaillant au contact de cette jeunesse un peu trop individualiste, je me passais bien souvent de pause casse-croûte faute de laisser ces teenagers du dimanche déborder exagérément sur leur temps à eux, et revenant mains dans les poches, musique à fond sur les oreilles, sans un regard vers mézig qui rongeait son frein sans rien dire. Il faut que jeunesse se passe , je me disais, ouais bin, elle est passée… Demain matin j'en saurai un peu plus.  

Voilà donc cette semaine de congés qui se termine. Malgré de mauvaises nuits et des réveils matinaux à des heures où même les coqs du coin se sont sentis dépassés, j'en ai profité pour vaquer à des occupations qui m'ont permis de me vider l'esprit. Un peu de marche, une remise sur le vélo progressive, quelques siestes, une mise à jour d'un dossier à rendre la semaine prochaine pour le nouveau job, je glisse maintenant dans un état d'esprit tourné vers les semaines qui arrivent. Comment vais-je vivre cette période de déplacements dans différentes régions de France? Je ressens comme une excitation à l'idée de découvrir une autre forme d'activité, mais aussi un peu d'inquiétude quant au déroulement de ces absences loin de mes habitudes de vie. En même temps cela sera l'occasion idéale de me séparer petit à petit de cet environnement que j'ai un peu trop idéalisé durant une période. Sentimental et observateur acharné, voir contemplateur inassouvi, je sais que je n'en serai pas loin et qu'il me suffira de quelques coups de pédales pour venir me ressourcer au milieu de ces collines volcaniques. J' observais encore pas plus tard que cette après-midi, lors d'une pause méritée après une rando à vélo, cette chaîne des Dômes baignée par un soleil revivifiant, pensant que je n'étais qu'à quatre kilomètres de chez nous. Il y avait là devant moi La Nugère, La Louchardière, le Puy de Paugnat, Le Pariou, Le Puy de Côme, Le Puy de Dôme, Le Puy de Jumes, de la Coquille, Le Puy des Gouttes et Chopine et tous leurs copains dont j'ai oublié le nom…Sur ma droite le Massif du Sancy se dessinait tout au fond sur l'horizon, exposant ses sommets encore enneigés dans un ciel bleu azur. Impossible de tout immortaliser sur mon appareil photo. Ils étaient tous là, je me suis rappelé nos ascensions sur leurs pentes douces et boisées. Et à chaque fois que je les regarde me viennent ces souvenirs d'écoles primaire, quand l'instit nous parlait de ce massif central où se trouvaient des volcans. Et moi je dessinais des volcans, des éruptions, des montagnes coiffées de blanc. Et j'ai vécu à leurs pieds. Pas étonnant qu'il me soit si pénible de leur tourner le dos. Oui, je pense que ces déplacements obligés dans d'autres contrées vont être salutaires.