De retour dans mon pays, j’ai observé ce ciel bas et triste. Loin de lui, je commençais à en oublier sa puissance tragique. Il semble si bas, si lourd, que sous lui, les Hommes doivent courber l’échine. Le plâtre des maisons s’effrite dans une humidité permanente sans que leur propriétaire parvienne à contredire cette déchéance matérielle. Plus de travail, plus d’argent, plus de sourire, que des rideaux métalliques qui se sont fermés définitivement sur une époque révolue. Seul mouvement dans ce monde vide, le va et vient des voitures fumantes et mal entretenues, cahotant sur des chaussées défoncées entre des trottoirs sales et herbeux. Le cimetière semblait être le seul endroit où un semblant de paix et de sérénité avaient leur place. Je me suis soudain aperçu que j’oubliais petit à petit les prénoms des fantômes dont je croisais la route. C’était réciproque. Il ne faut pas beaucoup de temps pour s’oublier entre ombres qui se ressemblent. J’ai bien essayé de dire quelques mots, de bafouiller quelques souvenirs. Mais les mots restaient blottis au chaud, dans un corps qui cherchait à fuir. Alors j’ai évité de sortir, seulement le soir, pour rendre visite à des amis dont la chaleur de l’accueil m’a fait oublier ma lâcheté. J’ai envié leur courage, mais je n’ai pas eu honte de ne plus me sentir parmi eux. Quel triste ciel, quel triste destin que celui de ce pays où tant d’âmes laborieuses se sont éteintes, sacrifiées sur l’autel du profit et de l’indifférence. Merci, messieurs les politiciens, vous avez bien travaillé, quand, il y a quarante longues années de cela vous avez décidé de rayer de la carte les régions de votre choix. Continuez, vous êtes sur le bon chemin, et avec l’expérience vous pouvez vous attaquer à plus grand. Quelle différence ? Tous les crimes se ressemblent.