Nous sommes rentrés cet après-midi d’une semaine de transhumance dans le Nord. Ce fût l’occasion de revoir des amis et de reprendre contact avec ce climat bien particulier qui caractérise cette région. Après deux ans d’absence, marqués par quelques retours épisodiques de quelques jours, j’ai mesuré le chemin parcouru même si ces deux ans ne représentent qu’un laps de temps insignifiant à l’aube de ce changement de vie. Mais la Machine semble bien lancée cette fois. Pour ma part, ce séjour ne m’a apporté ni nostalgie, ni regrets quelconques. La visite des parents et amis fût sans doute le moment le plus fort, mais une petite promenade dans l’humidité des rues de mon ancien village natal m’a suffit à comprendre que désormais je n’y avais plus ma place. Quelques photos me suffiront bien à me remémorer, de temps à autre, un léger sourire sur les lèvres, les souvenirs d’un chemin que je ne tiens pas à refaire. Je m’étonne d’ailleurs de cette facilité à oublier cinquante années de cette vie qui ne m’a pas gâté tous les jours. Devant un marbre envahi de végétation multicolore je m’en suis presque excusé. Mais n’est-ce pas là le propre de cet instinct de survie que nous portons en nous ? Vivre pour aider ceux qui restent, et pour cela, oublier, chacun à sa façon. Ces lignes écrites depuis deux ans témoigneront toujours de ce combat que j’ai mené, et que je continuerai tant qu’au fond de mon âme des petites voix m’indiqueront le chemin à suivre. Et tant pis pour le regard des autres. Je l’ai tant cherché ce regard, qu’à force j’en étais devenu aveugle. Le point que je fais ce soir est nécessaire mais ne contrarie en rien la vision que j’ai de cet avenir qui se précise. L’Absence marque le pas, me laissant le temps utile à la réflexion. Mais je la sais toujours à l’affût, prête à bondir à la moindre défaillance.

En rentrant ici ce soir, j’ai marché dans une lumière douce qui me manquait depuis une semaine et les vieux volcans ont refermé sur moi leur force bienveillante. Je sais à présent que je ne me suis pas trompé.