Mais parlons un peu d'autres choses. Alain, quand il était gosse, petit, gamin, il était chauffeur de bus. Il découpait dans un grand carton la forme d'un volant, ces grands volants qu'il voyait tourner entre les mains des chauffeurs de car qui le ramenaient le soir chez lui. Ou le conduisaient le matin à l'école. Il essayait toujours de trouver sa place à l'avant, face au grand pare-brise, et si c'était possible il restait debout, s'accrochant à la barre chromée. A cette époque les moteurs étaient encore à l'intérieur de l'habitacle, sous un énorme carter. Ca pétaradait agréablement et on avait l'impression que rien ne pouvait arrêter cette machine infernale. Poussez vous c'est nous qu'on arrive! Les voitures en face se garaient, le bus passait. On se demandait bien comment. Et Alain regardait cet énorme volant glisser entre les doigts du conducteur, il observait ces bras immenses tourner l'ustensile dans des contorsions inimaginables. Pas de direction assistée. On assistait rien à l'époque. Après ça a changé. Bref. Alain à l'avant du bus était le maître du monde, Léonardo, n'a rien inventé. Manquait que Rose. Il s'était dit:"plus tard je ferais ça". En attendant il jouait durant des heures avec son volant en carton. Puis, plus grand, il a conduit des camions, c'était presque pareil, du moins si on se réfère au volant. Il a fait des beaux voyages, dormi au bord des vignes réputées de Bourgogne, il en a bien profité. Mais ça n'a pas duré longtemps. Et il sait pas si aujourd'hui il a encore l'envie de conduire des bus, qui se conduisent avec le bout des doigts, sans doute pour pas abîmer le volant. On peut même plus rester debout devant le pare-brise. Ca fait même plus de bruit. C'est mieux pour tout le monde. Et tant pis pour Rose. J'ai dû comprendre cet état de choses très tôt, lorsque je me suis aperçu, qu'en fait les filles étaient toujours à l'arrière. Là où ça remuait pas mal. Et moi je préférais l'avant, près du volant. Puffff.
Commentaires