En bas, une compile des Beatles tourne dans le vide. Pyrus
le chien geint pour partir en
promenade, mais je suis désolé Pyrus, va falloir être patient, la neige
continue de tomber et il faudra te contenter du coin de cour que j’ai
courageusement déneigé ce matin avant même de prendre mon petit dej. Dès mon
premier coup de pelle, tes amis du chenil situé à 600m d’ici et bien plus mal
lotis que toi se sont mis à hurler et sans doute ont réveillé les riverains.
Alors, continue d’écouter « love me do » et arrête de couiner. C’est
une journée durant laquelle il ne se passera rien. De temps à autre nous nous
planterons devant la fenêtre pour assister à cette chute permanente du ciel sur
notre tête. Nous sommes descendus hier soir faire nos provisions, juste avant
que les éléments se déchaînent. Pour certains c’est la fin du monde, Pour moi ce
n’est que son prolongement, pas du monde, de la fin. Puisqu’une histoire n’a
pas de fin autant continuer à la faire vivre, la fin. C’est compliqué d’être
explicite quand on a qu’un niveau CAP année 70 sacrifié sur l’autel des maths
modernes et des cours d’allemand option obligatoire. Comme j’aurai aimé à
l’époque approfondir mon français, sachant qu’il faudrait bien un jour parler
de cette vie qui me faisait déjà défaut, mais que je taisais à l’époque, de
peur d’emmerder tout le monde. C’était pourtant le moment, car il n’avait pas
tant de choses que cela à s’occuper, le monde, et il aurait très bien pu me
faire une place dans son agenda. Mais je n’ai rien demandé, pensant être assez
costaud pour affronter des dizaines et des dizaines d’années d’angoisses
post-traumatiques. Y’a des moments ça allait, d’autres durant lesquels fallait
attendre que les idées se remettent en place. Mais dans l’ensemble j’ai
toujours trouvé les échappatoires adéquates. Pyrus geint toujours, la neige
continue son travail d’ensevelissement, le voisin d’en face n’en finit pas de
déneiger son entrée et à ce rythme il finira son week-end avec une saleté de
lumbago dont ses petits enfants entendront encore parler en regardant à la télé
les océans recouvrir quelques îles paradisiaques. Ici à 800m, ils n’auront rien
à craindre, ni des fortes marées ni des chutes de neige qui ne seront sans
doute plus qu’épisodiques. On a bien fait de descendre chez Leclerc hier,
dis-je à ma compagne qui, rêveuse, regarde par la fenêtre en se brossant les
dents. Nous sommes dans le ciel, nous sommes dans la neige, on ne sait plus
très bien, c’est un spectacle en noir et blanc et gris, le disque des quatre
garçons dans le vent qui ne sont plus que deux continue de remplir l’inutile
espace du rez de chaussé et moi j’écoute
Moby, wait for me, m’inspirant de ce minimalisme intelligent pour
commencer ce long week-end dans la poudreuse. Je ne suis pas triste, je ne suis
pas gai, je suis dans l’expectative. Il y a des jours comme aujourd’hui ou j’ai
l’impression de n’avoir plus bougé depuis mes quinze ans, où le temps semble
ne pas avoir existé, où j’ai l’impression de me réveiller d’un sommeil
artificiel, profond et sans rêve. Mais la réalité est bien là : il neige
et Pyrus n’aime pas les Beatles. Moby se termine. Ma compagne dit : bon
que vais-je faire maintenant ? Je réponds : le lit. Elle dit non,
faut aérer avant, elle ouvre la fenêtre et nous voilà sous 1m de neige. Pyrus s’est
tu.
Tu retranscris parfaitement cette atmosphère que je connais trop bien (sauf que moi souvent, je n'avais pas eu le temps de "descendre chez Leclerc"), on ne distingue pas le ciel de la terre ou l'inverse et ce cocon calfeutre le temps qui passe...
Le CAP 70 = Bac 80.
Rédigé par : Sonia | dimanche 10 janvier 2010 à 09H25
Tu écris toujours aussi bien. La nostalgie fait naître en toi de petites merveilles d'écriture. C'est toujours un plaisir pour la lectrice et amoureuse de littérature que je suis, de passer te lire.
J'aimerais te souhaiter une année 2010, sereine et remplies de belles pages d'écriture.
Rédigé par : Lili Gertrudis | lundi 11 janvier 2010 à 09H31