Et que devient notre fils dans cette histoire? Il est difficile d’imaginer ou d’essayer de comprendre ce qui se cache derrière ses longs silences. Perdu dans un monde qui se vide peu à peu de ses fantasmes, je le sens petit à petit revenir vers une réalité qu’il ne veut peut-être pas affronter. D’où cette inertie épuisante qui, chaque jour passant, lui enlève ce qu’il lui reste de volonté et de force. Durant des mois il s’est voué à la musique, essayant par ce moyen de combler un vide innommable. Malheureusement, et une fois de plus, le résultat n’est pas à la hauteur de ses illusions, sans doute trop inaccessible. Alors depuis peu, il a repris ses pinceaux et couche sur des toiles des portraits d’hommes et de femmes d’un autre continent, celui vers lequel, nous le savons, il rêve de voyager. Et ce moyen d’expression semble lui réussir, car les commandes s’accumulent, l’occupant ainsi une bonne partie de la journée. Nous avons nous même été surpris par la facilité avec laquelle ce travail se déroulait, comme si ses pinceaux semblaient glisser instinctivement, guidés par une main invisible. Encore une bizarrerie de la Vie. Une exception qui fait défaut à la règle. Cela me rassure quelque part, à partir du moment où, dans ce capharnaüm, ce dédale d’incompréhensions de toutes sortes, un échange s’effectue entre nous. Car pour une fois, et depuis longtemps, je reste silencieux devant ce travail, soulagé de ne pas avoir à donner un avis qu’il ne comprendrait pas. Je vois dans ces peintures une vie qui veut avancer, un être qui veut parler au monde qui l’entoure, de sa propre vision des Hommes, sans que j’aie besoin pour cela d’avoir à argumenter sur la nécessité matérielle qui conditionnerait son équilibre. Un discours de père rébarbatif et décalé. Nicolas peut peindre le temps qu’il veut, c’est de là que viendra la solution. Il est difficile d’entraver le travail d’une exception. Elle inquiète toujours, de là vient sa force, l’essentiel étant bien évidemment de ne pas en gâcher le talent.
Mais comment ne pas avoir peur de cet avenir incertain pour lui ? Ce sentiment, personne ne saura nous l’enlever. Et pourtant quelque part, comme j’aimerais lui donner les moyens de réaliser ses rêves, le voir partir vers ces pays dont il parle souvent, même si la peine et la peur venaient m’effacer toute joie d’avoir réussi là où aujourd’hui j’hésite encore à croire à cette destinée si convoitée. Pauvres parents incultes devant ce genre de situation, nous refusons, par peur d’un vide trop lourd à supporter, ce qui résoudrait un mal être permanent. Faut dire aussi qu’il ne nous reste QUE lui. Vous qui savez tout, dites-moi ce qu’il faut faire.
Allez je me lance enfin. 2 ans que je te suis à travers ce blog terriblement poignant. Je suis aussi et surtout votre émigration, (et votre intégration) car nous avons émigré en même temps (relatif, de Paris à 200 km vers le sud ouest) mais assez pour un bouleversement de vie, tu connais. Comme vous, le bilan est positif.
Pour ton grand fils, il semble changer, s'enfermer davantage, il est, si je peux me permettre temps pour lui d'entamer un voyage initiatique qui le lavera un peu de ses douleurs, non ? Ce sera dur pour vous (je suis une mère de ton âge…) mais efficace sans doute pour lui, voilà mon modeste avis, je t'embrasse,
Mary
Rédigé par : maryshow | vendredi 14 novembre 2008 à 11H15
"Vous qui savez tout."
Nous voilà parés d'une savoir absolu que nous sommes en réalité bien loin de détenir.
Je ne peux témoigner que de mon tout petit cas personnel : j'aurais voulu que mes filles voyagent, connaissent un autre monde que cette misérable Wallonie dépecée, à l'ombre des mosquées, par les politiciens et les gitans. Autre chose que la médiocrité et le chômage héréditaire. Je les ai incitées à prendre une année de recul pour visiter un pays de langue différente, avec l'espoir que leurs yeux s'ouvrent sur de nouvelles possibilités.
Elles n'ont pas voulu m'entendre.
L'aînée souhaitait fuir le cocon familial mais pas pour aller bien loin, Louvain-la-Neuve lui a suffi. Sa révolte est apaisée, elle est mère de famille, a trouvé tardivement du travail. Je suis fier d'elle.
La cadette est toujours à la maison, ne veut absolument pas s'en détacher et s'imagine bien vieillir à nos côtés. J'espère que çà lui passera.
Tu vois, d'un côté tu crains de voir ton fils partir à l'étranger et moi je regrette que mes filles ne l'aient pas fait. Un trait commun nous relie : nous aimons nos enfants.
Finalement nous sommes bien loin de tout savoir, nous ne monopolisons pas la sagesse non plus. Elle est judicieusement répartie.
Avec tout mon sentiment.
Rédigé par : Angelo | jeudi 20 novembre 2008 à 18H39