Une difficile journée de récupération va se terminer. Je ne sais pas si je tiendrai physiquement ce travail chez Michelin. A mes moments perdus je continue de chercher sur le site de l’ANPE un éventuel boulot qui me convienne mieux. J’ai jusque la fin septembre pour voir venir et d’ici là mon poste peut évoluer. N’empêche…je sens le poids des années qui commence à faire son effet. Je ne peux rivaliser ni en vitesse d’exécution, ni en temps de récupération face aux jeunes qui travaillent avec moi. Cela me pèse mais il faut se faire une raison. Tout tourne autour du poids en fait. Le poids des pneus, de l’âge, des soucis vécus, des quelques kilos en trop, de la chaleur de l’atelier…le poids de la culpabilité. Je m’étais promis, après la disparition de nos deux enfants, de ne plus jamais me plaindre, jugeant que le calvaire qu’ils avaient vécu sans dire un mot, valait bien cette mise en veille de nos malheurs o combien dérisoires. Mais l’Homme ne peut vivre sans soulager sa peine. C’est l’expression même de sa valeur dans une société de plus en plus fermée et égoïste. Tout est une question de poids. Comment ont-ils fait, durant toutes ces années, pour supporter cette dégénérescence qui faisait que chaque pas, chaque geste devenait de plus en plus pénible et qui semblaient faire partie de leur vie. Ils se sont plaint à la leur manière, par leurs silences révélateurs, leurs sourires forcés, leurs projets à longue échéance. Ils n’ont rien dit, jusqu’à la Fin. L’un parce qu’il ne savait pas, l’Autre parce qu’il savait trop bien. Cette fatigue que je ressens ce soir, me rapproche d’eux, aussi bête que cela puisse paraître. Et, en fin de compte, si c’était cela que je recherchais ?La fin, on la cherche avec les moyens que l’on possède.
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