Pourquoi
les images que je perçois aujourd’hui me perturbent-elles à ce point ?
Elles viennent en flots réguliers mordrent la falaise si solide jusqu’ici. Par
pans complets, la Terre glisse dans la Mer, emportant avec elle des lieux de
Vie et de mémoire. L’année dernière, en visite avec des amis près d’Abbeville,
nous avons longé ces côtes déchiquetées, j’ai vu ces habitations condamnées,
pendre dans le vide sans que l’Homme soit capable de sauver quoi que ce soit.
Mes images sont comme cette Mer tueuse et nourricière qui, imperturbablement au
fil des tempêtes, envahira notre Monde. Je me croyais plus fort que le temps,
je pensais l’avoir maîtrisé, mis en veille. Quelle erreur que d’avoir pensé,
parce que l’on croit avoir oublié les pires évènements d’une Vie, que les
images seraient à la hauteur de leur sagesse. Sage comme une image. Instantanés
de Vie, jaunis par le temps, qui, entre nos doigts tremblants, réveillent en
nous des cauchemars somnolents. Ou, au seuil d’un sommeil réparateur, Images
rapides et subliminales qui réveillent et angoissent. J’ai par moments
l’impression de vivre dans deux mondes différents. Un moment pour la pensée du
jour, un autre pour le souvenir. Une certaine légèreté succédant à une
pesanteur incontrôlable. Clarté, brume. Ce sera ainsi, toujours. Les Vides que
l’on remplit d’occupations artificielles, de gestes gauches et trop calculés,
ne seront jamais comblés. Alors la Mer continuera son travail de sape, jour
après jour, nuit après nuit, sans relâche, jusqu’à ce que la Terre, vaincue, se
laisse envahir, anéantie par tant de force et de pugnacité. Abandon du combat,
aspirer au repos, accepter la douleur comme une délivrance salvatrice et
porteuse d’espoir. Tourner le visage vers les formes floues et vaporeuses,
entendre les derniers chuchotements de l’Océan et se laisser dériver…Voir la
Terre s’éloigner au travers de nuages colorés et tièdes. Surprendre par un
sourire inexpliqué. Silence.
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