Paugnat s'éteint doucement. Plus de quatre années de souvenirs déménagent au rythme des cartons, voyages après voyages. La maison se vide tout comme une autre, à des centaines de kilomètres d'ici, s'est vidée de son lourd passé, et cela semble déjà si loin. Nous allons laisser dans ce lieu de vie quelques chouettes souvenirs. En premier lieu ces rires d'enfants qui ont animé nos journées à un moment où nous en avions le plus besoin car nous laissant aller à un ennui lancinant et parasite. Que deviendront-ils ces sourires, nous ne le sauront sans doute jamais. Là n'est pas l'important, pour nous, car d'autres les remplaceront et nous oublierons, comme eux nous oublieront. Nous allons laisser ici des hivers comme nous n'en avions jamais connus, ces hivers de montagne qui forgent patience et courage, force et espoir de retour. Nous allons laisser une nature généreuse, salvatrice, secrète et pour moi source d'une inspiration permanente. Nous allons laisser quelques connaissances. Quelques seulement. Pas assez à notre goût, habitués que nous avions été dans le Nord à cette grande farandole d'amitié facile, se donnant la main dans les moments les plus difficiles, preuve à l'appui. Il est vrai que nous n'avons pas fait les premiers pas qui auraient permis des contacts plus faciles. Nous sommes arrivés avec le sentiment de nous sentir normalement étrangers, ce sentiment ne nous a jamais quitté. Mais ce n'est pas si grave. Nous sommes plus riches, et, grâce à ce recul du regard nouveau, peut-être plus connaisseurs de cette région que peuvent l'être quelques autochtones d'ici.
Nous descendons vers la plaine, vers un peu plus de chaleur, des toits rouges et des maisons blanches. D'autres évènements nous attendent. Ceux d'ici furent nombreux. Les derniers en date verront leurs conclusions dans d'autres circonstances. Sur quelques mois tout à été chamboulé: boulot, maison, avenir.
Il me reste quelques regrets. Celui de ne pas avoir vu quelques amis du Nord passer nous voir dans la région, heureux que je me faisais à l'idée de leur faire découvrir ses putains de Volcans que notre instit nous montrait du bout de sa règle en bois sur la grande carte de géographie punaisées au mur de la classe. Et moi dans ma tête, durant quatre ans j'ai vu cette carte en observant ces Dômes aux pentes boisées et douces. J'étais assis à ma place, et ça sentait bon l'encre et le bois vernis, Mai 68 et l'incertitude d'un bonheur éventuel. Paugnat s'éteint doucement et Free m'a prévenu que ma nouvelle ligne était ouverte, là-bas dans la plaine. Y-a – plus qu'à…