Nous entamons notre quatrième été ici, pourtant samedi, ma
belle-sœur nous disait qu’elle avait l’impression que nous n’étions là que
depuis un an. Je ne sais pas ce qu’il faut en déduire. Faut-il encore parler de
« changement de vie », lorsque celle-ci semble avoir pris son nouveau
rythme de croisière ? Nous n’avons pas non plus l’impression qu’autant de
temps s’est écoulé, et parfois nous sommes les premiers étonnés quand,
furtivement, nous jetons un regard sur ce passé proche qui nous suit à pas feutrés.
Il se rappelle à nous, sournoisement, quand, trop certains de nos forces
retrouvées, nous marchons tête haute à travers ces sentiers rouges que nous
connaissons par cœur. Oui, je les connais ces chemins tantôt humides d’une nuit
trop fraîche, tantôt poussiéreux, exposés au soleil revigorant et générateur de
meilleurs lendemains. Je reconnais les croisements où soufflent les mauvais
courants d’air, quand, surpris, il faut relever le col et plonger le nez dans
l’écharpe. Je connais les cuvettes profondes où l’on peut profiter de la
douceur pour se remotiver. Je sais qu’à tel endroit le silence sera parfait, à
un autre les arbres chanteront leur mélodie interminable, en vagues plus ou
moins violentes. Ils ne me lassent pas ces sentiers rouges, que la pouzzolane a
colorié pour leur donner un attrait plus mystérieux encore. Aucune lassitude
dans ces promenades répétées jours après jours, durant ces quatre années. Et je
crois seulement ressentir les prémices d’un léger mieux, d’un nouvel élan vers
un horizon que je croyais inaccessible. Notre vie d’aujourd’hui n’a rien de
comparable avec celle que nous avons quitté sans doute de manière un peu folle,
mais déterminés. Oui, nous regrettons ceux et ce que nous avons aimés et
quittés. Mais je sens que « quelque chose » change, qu’une page se
tourne, certes un peu lourdement, mais d’une manière perceptible et définitive.
Demain sera un autre jour. Ce que nous avons aimé restera. C’est la seule chose
qui nous appartient.
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