1976. Canicule. Je suis sur la route, sac en bandoulière,
depuis ce matin. Parti de Charleville-Mézières très tôt, j’ai décidé de
rejoindre les copains sur Maubeuge, en stop. Je suis à une trentaine de
kilomètres de mon but, en pleine après-midi, sous un soleil écrasant, mais je
continue de marcher vers la prochaine grande ville, dont j’aperçois le clocher
au bout d’une ligne droite tout en dénivelé, dans une brume de chaleur. Je
viens de quitter le dernier village avant cette ville, j’avais pu y acheter une
bouteille d’eau mais cette dernière vient de s’écraser lamentablement dans la
poussière du bas côté. En cette période estivale il n’y a pas beaucoup de
circulation et depuis une dizaine de bornes j’ai arrêté le stop, vu le manque
d’empressement des automobilistes à secourir un baba cool en cours de
déshydratation avancée. Je ne m’arrête pas, relevant parfois la tête vers ce
clocher qui semble s’éloigner malgré ma progression. Lorsque j’atteindrai cet
édifice je prendrai le train pour rejoindre la fiesta qui m’attend. J’ai soif,
quinze bornes, c’est pas possible, il va se produire un événement, je vais
tomber, quelqu’un va s’arrêter, avoir pitié…mais rien…Et les copains ne savent
pas que j’arrive, ils me croient toujours sous la tente, dans le camping d’un petit
village des Ardennes où nous nous sommes fait pas mal de « potes ».
C’est perdu dans ces pensées et mes hallucinations que soudain, me rasant de
près et freinant dans une poussière qui me brûle les yeux, se gare devant moi
un immense camping car. Une fille aux longs cheveux blonds passe son visage par
la fenêtre et me fait signe de monter. Je crois reconnaître quelques mots
d’anglais, le conducteur me sourit et me fait signe de grimper. Je ne cherche
pas à comprendre et je m’exécute. Le bus referme sa porte. Je ne sais pas
combien ils sont là-dedans, une dizaine, plus peut-être, enfants, filles et
garçons. Ils me disent de m’asseoir, sortent un pot de miel et m’ordonnent
presque de manger, puis de l’eau…Le bus a repris sa route. Une fille sort une
carte et m’indique où ils se rendent…la
Hollande. Je suis du bout du doigt le tracé rouge indiquant ma route et indique
la ville de Maubeuge. Ils me disent OK OK…et nous ne parlerons plus. Je les
regarde tous, ils me sourient en s’apercevant de mon étonnement. Les enfants
dorment, la musique tourne en sourdine, juste ce qu’il faut pour rouler vers le
paradis. Je n’en finis pas de les observer, ils n’en finissent pas de sourire.
Déjà Maubeuge, je descends et je réponds aux signes d’adieu qu’une multitude de
mains me communique aux carreaux du car en redémarrant.
L’émotion ce soir est encore présente, en écoutant Floyd, et
je revois ces scènes à jamais incrustées dans mon esprit. Pou la la…ou Lol, si
vous préférez…Moi je préfère Pou lala…
Qu’il est long ce chemin vers le paradis. J’espère bien les
croiser là-bas…pour les remercier.
Longtemps j’ai gardé le petit papier qu’ils avaient glissé
dans ma main sur lequel était inscrit : Les enfants de Dieu.
Je m'en doutais! Dieu se trouve en Hollande!
C'était forcé... Pou la la :->
Rédigé par : Sonia | samedi 16 janvier 2010 à 08H54