La neige a cessé de tomber vers 9h ce matin. Le village
refait surface, le voisin d’en face s’est remis à déneiger, et de mon point
d’observation, je ne vois que les pelletées voler par-dessus sa tête et à le
voir s’activer, je lui demanderai bien de venir déneiger devant chez nous.
Brave homme. C’est pas pour critiquer, mais nos petits voisins d’à-côté, eux,
ont tout juste fait le devant de leur porte avec une boite type tupperware. Et
moi avec la galanterie et le sens du devoir qui caractérisent les gens du Nord,
je me suis permis de déneiger devant l’appart de notre autre voisine, jeune
femme célibataire qui joue admirablement bien du piano et qui prend soin des
oiseaux forts démunis par le temps qu’il fait. Fabienne a squatté le rez de
chaussé pour se consacrer à la cuisine. Je laisse le dimanche filer à son
allure, remettant à plus tard les choses que je n’ai pas envie de faire, en
écoutant les deux albums de Neil Young que le père d’un enfant dont Fabienne à
la garde m‘a prêtés hier soir. Il est de Valenciennes, autant dire de chez nous.
Résidant à Paugnat depuis 2004, il semble avoir trouvé son lieu de vie idéal.
Nous étions invités chez eux hier soir pour l’apéro, et pour se faire nous
avons bravé la tourmente sur une centaine de mètres. Cette prise de contact nous
a permis de nous trouver beaucoup d’affinités et en particulier sur le plan
musical, d’où le Neil Young. Drôle d’impression de se retrouver dans un style
de vie que nous avons eu à un moment de notre vie … mais rassurant.
Parler. De tout et de rien, ne pas laisser s’installer la
mémoire, faire semblant de ne pas prêter attention à ces trois enfants qui
courent, se chamaillent, rient ou font la moue. Ne pas trop sourire à leurs
mots d’enfants, rester distant, ne pas regarder ces visages étonnés, curieux,
qui nous observent, ne pas se rappeler, ne pas faire d’allusion, parler de tout
et de rien, combler le silence, combler la distance, l’espace, le temps. Ne pas
poser la main sur leur front, malgré l’envie irrésistible de se souvenir. Dire
au revoir les enfants comme l’instituteur le ferait, ou le médecin, ou
l’infirmière, ou le simple visiteur, de manière à la fois conciliante et
distante, faire comme si on avait jamais eu l’habitude. Faire semblant. Mentir.
Tout va bien, on rentre chez nous, on a pas faim, notre maison semble si loin.
Nous sommes devenus deux êtres qui, un jour, il y a longtemps, ont eu, aussi,
trois enfants.
je me suis longtemps interrogée en lisant ces lignes et puis j'ai conclu: on est éternellement le parent de ses enfants, où qu'ils soient. Et puis en lisant les lignes sur la crême nivéa, je confirme: on est éternellement l'enfant de ses parents, où qu'ils soient.
C'est simple, mais cela me paraît une évidence.
Rédigé par : Account Deleted | mardi 12 janvier 2010 à 22H57