Encore et toujours la neige. Je savoure silencieusement mes fantasmes et mes souvenirs d’enfance, transformant ces intempéries en juste récompense égoïste. Demain, si le soleil pense à pointer quelques rayons au travers de ce ciel bouché depuis plusieurs jours, je partirai vers le sommet du Puy de Paugnat, qui, à quelques centaines de mètres du seuil de notre maison, me salue tous les matins, attendant depuis deux ans que je lui rende une petite visite. Il doit se dire, du haut de son cône parfait le faisant ressembler aux terrils de mon ancienne contrée, que je ne mérite pas ma présence à ses pieds, puisque depuis que nous sommes installés ici, bien d’autres vieux volcans ont vu notre visite, et que lui, hôte bienfaiteur n’est même pas récompensé par cette attention d’ascension de ma part. Fabienne l’a gravit un matin en compagnie de l’épouse de notre propriétaire, et m’a dit que de là-haut la vue était magnifique. Et moi je n’en fais que le tour, par les sentiers qui le bordent, écoutant le vent souffler dans les grands sapins qui recouvrent ses pentes régulières. Lors de la dernière promenade pourtant, je me suis avancé dans le chemin qui mène à ce sommet longtemps observé, puis je me suis ravisé. Lorsque, revenant du travail ou de la plaine, j’arrive dans le village qui se situe juste avant Paugnat, la première chose que je me plais d’observer, c’est ce dôme aux pentes si régulières que je me demande parfois si une main divine n’est pas intervenue dans son élaboration. Quand le soir, je rentre par une nuit étoilée, verrouillant les portes de la voiture, je jette un dernier regard vers cette masse triangulaire qui se détache dans la semi-obscurité de la nuit qui s’avance. J’imprime à l’encre invisible dans mon esprit, des images qui je sais, me reviendront plus tard, comme des courriers que je m’enverrais uniquement pour me souvenir DE. Pour ce genre de connaissance, j’ai besoin de prendre mon temps, attendre le moment propice, créer entre l’autre et moi une complicité sans détour ni condition. Comme toutes les ascensions que j’ai accomplies, à pied ou avec ma bécane. Elles ne sont pas nombreuses mais ont toujours réussi à me rendre heureux. Le Paugnasai, comme Ils l’appellent ici, va donc bientôt avoir l’honneur de ma visite. Et, bizarrement, me reviennent à l’esprit les paroles de ma première chanson écrite sur mes deux seuls accords de guitare connus mi /mineur-La, en 75, et ces autres images de copains aux cheveux longs dans lesquels soufflait un vent d’espoir et de liberté. Du haut de la montagne je chercherai leurs visages ivres d’insouciance et je laverai ma peine dans ce ciel, loin, très loin, défiant les règles du temps et de l’espace.
« …Quelquefois, quand il fait beau,
Ils vont sur la montagne, là-haut
Une fois arrivés, ils regardent en bas
Essaient de comprendre, mais n’y parviennent pas… »
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