J’ai commencé à écrire en 1972. Peut-être la situation familiale dans laquelle je baignais alors m’a-t-elle conduis vers cette solution, la seule qui pouvait, je pense, m’enlever aux drames qui doucement prenaient forme sans qu’aucune issue ne se dessina à l’horizon. Comme beaucoup d’adolescent, j’ai tenu un journal dans lequel je couchais mes émotions, mes angoisses, mes rêves mais également mes pressentiments vis-à-vis des jours à venir. Cette écriture me permit de me préparer douloureusement à ce qui serait bientôt une vie d ‘orphelin, une vie de déraciné. C’est également sur ces cahiers que je retrouve l’importance que j’accordais aux copains, aux amis, j’y notais nos folles escapades, nos joies, nos analyses et nos avis sur les changements du monde dans lequel nous allions devoir vivre. J’y notais également les trahisons, les rancunes et les pardons inévitables lorsque l’on sait qu’on ne peut vivre seul. Mieux vaut le pardon au vide de la solitude. A la mort des parents, j’ai vécu chez mon frère. Il n’est pas facile de passer d’un univers à un autre sans y laisser un peu de son âme. Sans mot dire, je m’adaptais. Je fis de mes silences mes compagnons de patience. Mais je continuais à écrire. J’écrivais car je n’avais pas d’autre exutoire. Jusqu’à ce que j’apprenne deux trois accords de guitare…je laissai tomber le cahier pour une autre écriture que je pouvais enfin partager grâce à la musique. Le cahier, sans se révolter, se laissa bien tranquillement mettre au placard. Et une foule de chansons simples et naïves furent les témoins privilégiés de mon mal de vivre. Je vivais m’accrochant à cette nouvelle passion, me dessinant une personnalité qui est sans doute encore la mienne à ce jour. Je croyais en moi plus que tout. Je me souviens de ce petit récital, en première partie d’un spectacle, dans une salle des fêtes pleine à craquer. Seul sur scène avec mon bout de bois musical, rien ne me faisait peur. Quelques accords plus tard et la gorge asséchée, je me retrouvais devant un public conquis devant tant de naïveté. J’avais chanté mes peurs, mes peines, mes pertes mais aussi mes espérances…Cette forme d’écriture dura jusque 1992. Que des textes en chansons que je remaniais suivant les personnes avec lesquelles je jouais. Puis en 92 je fis un dernier texte. Et je repris mes cahiers. Vingt ans venaient de passer et je me retrouvais de nouveau face à cet océan d’angoisses et de peurs. Le passé me rattrapait. Alors, fataliste, j’ai écris mes égarements, mes projets vides de sens, mes incapacités à vivre dans un monde qui refusait de m’abandonner. J’ai écris sur ces cahiers jusqu’à ce jour de février où j’ai su que la dernière page venait de se tourner. L’écriture d’aujourd’hui est lavée de ce passé et peut librement s’adresser au Monde qui m’écoute. Je n’ai plus peur de l’inconnu qui m’écoute.
Très belle musique
Rédigé par : Uneplacepourmoi (Voyage en soi) | mardi 15 mai 2007 à 23H33