Un épais brouillard givrant plonge le pays dans un silence pesant. Il devait faire beau, plein soleil qu'ils avaient dit. Au lieu de cela, la glace emprisonne tout, plus d'horizon, plus de contour, cette absence est angoissante. J'écoute une musique nouvelle qu'une amie nous a fait connaître, sons nouveaux venus de pays ensoleillés, évasion vers une autre culture, celle souvent côtoyée durant mon enfance, accents de dialectes qui me rappellent les membres d'une famille restée mystérieuse pour moi. Comme j'aimerais ce soir, leur parler à nouveau, découvrir les secrets de leur présence sur ces terres du Nord, trop froides pour eux. Ce sont des sons de tambourins, de cithares, darbouka…Dansez Femmes du Sud, faites voler les voiles…Pour qu'un jour ils ne cachent plus nos misères.
J'ai moins écrit ces derniers temps, pour avoir un peu plus de recul. Je me cherche au travers de ces nouveaux espoirs de lendemains meilleurs qui s'annoncent. Et doucement je tourne la page sur ces quatre années. Plus d'album photos de ce long périple, rangées les images. Ecrire, oui je vais continuer, autant que je le pourrais. Nous vivons nos derniers mois à Paugnat et allons vivre ailleurs, où les vents sont meilleurs. Car il est une évidence que nous ne pouvons occulter: nous ne serons désormais que des gens du voyage, comme d'ailleurs un bon nombre de nos compatriotes. Nous ne serons plus une exception, un accident de la vie, mais simplement des voyageurs curieux de ce qui les entourent et les fera vivre. Comme ces travailleurs que je voyais se réunir autour du comptoir de bois, dans le bistrot de ma Tante, et qui tapaient des doigts au son des musiques orientales que diffusait le juke-box. Ca sentait le café, le thé, les mauvais apéros, l'huile de mécanique et la ferraille des fonderies. J'ai toujours au fond de moi ces regards fatigués mais rieurs, ces dialogues rapides et enflammés, cette gestuelle caractéristique des simples gens qui veulent exprimer l' inexplicable. Et cette absence derrière ces paupières qui trop souvent se tenaient fermées pour ne pas que coulent les larmes. Ah! oui chère tante, qui m'a attendu pour me dire. Qui ne m'a pas vu venir. Comme j'aurais voulu apprendre de vous. Enfant, je ne le pouvais pas. Tout a été détruit là-haut: usines, bistrots, rues, patrimoine, souvenirs…Comme j'aimais cette misère qui m'a fait tel que je suis aujourd'hui. Et comme, aussi, je suis heureux, de l'avoir quittée. Cette autre misère, que je ne reconnais plus.
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