J’ai pris soudainement conscience que le temps avait passé.
Je me promenais dans les rues du village et j’y trouvais des endroits qui,
doucement, s’étaient transformés sans que je m’en rende vraiment compte. Là, de
vieilles habitations ont été démolies, ici une place a vu le jour avec ses
nouvelles rues, là-bas de nouvelles constructions sont venues grossir les
lotissements déjà existants…Je me suis rendu compte que je vivais ici depuis
trois ans et demi et que j’avais toujours cette impression un peu lourde de
nouvel arrivant. Pourtant toutes ces années nous ont beaucoup apporté. Nous
avons appris des autres et de leur environnement, de leurs qualités et de leurs
défauts. Il est dommage que quelques nuisances et autres aspirations de quiétude
nous portent à penser à quitter cet endroit. Car je m’y sens bien. Hier
matin en traînant ma bicyclette sur le plateau des Combrailles juste derrière
chez nous, et bien que la fraîcheur de ces derniers jours n’incite pas aux
flâneries trop prolongées, je ne me lassais pas d’observer cette nature à fleur
de peau, paisible et courageuse devant les sursauts de ce difficile hiver.
Encore une fois, inlassablement, je fixais des yeux ces cônes immobiles, figés
dans le temps, images d’Epinal qui garnissaient nos livres de géographie
d’école primaire. Je me revoyais enfant, écoutant l’instit nous parler de cette
région couverte de volcans, et je m’inquiétais de savoir ces dangers si
proches. J’ouvrais vite le dictionnaire pour connaître la face cachée des
récits de notre instit qui savait y faire pour créer en nous cette soif de
curiosité. Aujourd’hui je vis à leurs pieds, concluant ainsi une longue
recherche inconsciente, et ma foi, j’en suis le premier surpris. Bien sûr que
j’ai envie de chaleur, de lumière et de paix, mais, pour aujourd’hui et les
jours à venir, je me contente de ce que le destin me donne à savourer depuis
trois ans, sachant que je ne le trouverai en aucun autre endroit. Je dois
avouer que j’ai peur de cette nostalgie qui viendra me perturber plus tard,
quand je penserai à ces moments de vie que nous avons passés ici, sans que rien
ne nous prédestine à cela. Et j’en vois deux qui rigolent, là-haut, de me
savoir si faible.
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