5h30 et le carré de lumière commence à éclairer faiblement
la chambre. J’ai décidé en quelques secondes de ne rien gâcher de cette journée
qui s’annonce radieuse. Je suis descendu, pris un rapide petit dèj, enfilé un
bon blouson, nargué un peu le chien et, tous deux sommes partis vers le sommet
du Puy de Paugnat, le Paugnasé. En passant devant la maison du chien fou, nous
l’avons entendu se jeter conte la porte
de son garage, aboyant furieusement de jalousie, et j’ai espéré qu’il en
réveille ses maîtres, après tout ceux-ci n’ont aucune considération pour nous.
Le ciel s’éclairait doucement à l’Est et un frais silence nous tenait
compagnie. De nombreuses fois déjà j’avais effectué ce parcours au petit matin,
mais jamais je n’avais réussi à assister à un véritable lever de soleil du haut
du vieux volcan. Soit c’était trop tard, soit le ciel n’était pas de la partie.
A l’intersection des sentiers conduisant vers mon but je décidai de prendre le
plus direct mais aussi le plus pentu : droit devant. Je pressai un peu le
pas car j’apercevais à travers les branchages sur ma droite, un disque rouge
monter doucement dans le ciel. J’eus vite le souffle court, tandis que le
chien, malgré ses soixante-dix ans me défiait à son tour, trente mètres devant
moi, n’oubliant pas mes moqueries du petit matin. Au premier point de vue, je
fis une pause, me réjouissant devant cet avant goût de contemplation qui
m’attendait quelques dizaines de mètres plus haut. Cependant, je restai
prudemment à l’écoute de mon corps, pensant que par les temps qui courent, vaut
mieux être à l’écoute de soi-même qu’à l’écoute des infos. Et je me suis remis
en route. Au sommet, un petit vent frais me fit relever mon col, et je restai
muet devant le spectacle. A l’Est, s’élevant derrière les collines, le disque
avait viré à l’orange, et commençait à dissiper les brumes de la plaine de
Limagne que l’on apercevait très loin, bien blottie entre notre relief et les
monts du Forez encore noyés dans un léger voile de brume bleue. A mes pieds, le
village, toujours plongé dans l’ombre des collines, s’éveillait timidement. Sur
ma gauche les près du plateau libéraient une brume grise et mouvante qui
semblait se glisser d’un champ à l’autre selon son exposition au soleil. Le
disque devint blanc, d’une blancheur aveuglante qui commençait à siniser sur
les premières maisons entourant le bourg. Et doucement, comme une vague
inquiétante, la lumière glissa vers le centre. Cela pris de longues minutes.
Plus sur la gauche un voile de brume s’éleva au-dessus des habitations et resta
suspendu, formant un arc de cercle sur les chaumières endormies, comme maintenu
par des fils invisibles venant du ciel. Je jetai un œil vers cette vague
éclatante déferlant vers le centre du bourg, puis je regardais la situation de
l’église. Je regardai l’heure, 7h moins 5 minutes. Je m’interrogeai sur cette
coïncidence ou non de cette situation. Et croyez moi ou pas, mais quand sonna
l’Angélus, la lumière a atteint l’église, éclairant du même coup la plus grande
partie du village. Je tournai le dos, repus d’images et de pensées et amorçai
notre descente. Pyrus qui s’impatientait depuis un moment repris sa course sur
le sentier, le museau collé au sol. Nous avons entendu un craquement de
branches en contre-bas, sans rien apercevoir. Un peu plus loin, je vis le chien
partir dans une course folle, ayant aperçu sans doute un animal qui m’était
caché. Puis nous avons entendu un brame caractéristique dans le fond de la
forêt. J’eus bien du mal à calmer la boule de poil, décidément encore bien
fringuant pour son âge. Nous n’avons pas entendu le chien fou aboyer en passant
devant chez lui. Sans doute assommé par une porte de garage trop solide. La vie
reprenait dans le village. J'avais oublié mon appareil photo.
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