J’ai de la chance. Cela fait 33 ans que je prépare mon sac,
ma musette, pour aller au boulot. Je n’ai jamais voulu que quelqu’un d’autre le
prépare à ma place, cela fait partie de ma journée, c’est un rituel, pas une
habitude. Le sac de l’ouvrier est une chose sacrée, le lien qui le relie à sa
famille, à son lieu de vie. Durant les périodes de ma vie où tout allait mal,
ou moins bien, je me souviens que ce sac était négligé, bâclé, et que je me
retrouvais à l’heure du repas, dépité devant la pauvreté de son contenu.
Lorsque je travaillais en équipe j’observais mes collègues lors de nos rapides
pauses et je souriais du soin avec lequel, presque religieusement, ils
déballaient sandwichs, café, victuailles de toutes sortes. Certains y allaient
de leurs réflexions désobligeantes vis à vis du responsable qui avait oublié un
petit quelque chose, comme s’il avait s’agit d’un trésor égaré. C’était bien
souvent l’épouse qui en prenait pour son grade et je plaignais intérieurement
cette inconnue dévouée qui allait subir les foudres de l’homme fatigué et peu
soucieux de ce dévouement. L’ouvrier fatigué est excusable. Pour moi ce
problème n’avait pas de sens et bien souvent je m’invectivais à voix haute, me
traitant d’imbécile devant l’air surpris de mes collègues, lorsque le petit
détail manquait à l’appel pour parfaire ce rapide repas. Mais il est tard. Je
dois y aller. Passer à l’épaule cette sangle au bout de laquelle pend une
sacoche qui renferme l’espérance de jours meilleurs. Vivement la retraite.
J'aime beaucoup cette façon de raconter vos émotions... où se mêle mélancolie, douceur, sensibilité, fragilité...
J'aime beaucoup, oui.
Rédigé par : P.V | mardi 06 avril 2010 à 11H23