J’assiste tous les matins, cinq minutes avant d’arriver à mon travail, à de magnifiques levers de soleil. Je distingue à peine dans la vallée, les villes qui doucement s’animent et se réchauffent. Au loin, vers l’Est les collines changent de couleur de minutes en minutes. Quelques fumées s’élèvent dans un ciel qui accepte une fois de plus quelques souillures bien nécessaires. Il y a de la place, mais pour combien de temps encore ? Sur un long ruban tortueux filent des insectes aux yeux rouges, sauvages et pressés. J’ai envie bien souvent de m’arrêter là, et d’attendre que le jour se lève complètement. Mais le travail attend. Demain, peut-être attendrai-je après lui. Comme d’autres millions de travailleurs sacrifiés sur l’autel du profit égoïste. Nous y voilà. Je regarde ce soleil s’élever et je me dis que j’ai de la chance. A la radio, l’animateur vedette y va de ses feintes à trois balles et me donne envie de sortir le revolver. Juste pour essayer, comme ça, pour me rendre compte de mon impuissance. Je n’ai juste qu’à changer de station pour être libéré de ces âneries, mais je vais au bout de mon exaspération. Dehors, le spectacle auquel j’assiste gratuitement soulage ma peine. Je respecte les limitations de vitesse pendant qu’un bon père de famille me double furieux sans doute de mon indifférence à cette heure qui trotte et va le mettre en retard. Et s’il n’arrivait jamais ? Je pense à ses enfants, sa femme, ses amis et l’article dans le journal régional. Je n’aime pas ses routes qui mènent au travail. Comme je n’aimais pas le trajet pour aller à l’école. Mais ici ça va. Le spectacle vaut le déplacement, mais ne dure que quelques secondes, juste après un virage en épingle à cheveux qu’il ne faudrait pas rater, jusqu’à l’entrée d’une ville vigneronne dont le produit n’atteint pas la hauteur de ses panoramas. Un jour je prendrai peut-être une autre route pour aller bosser. J’arriverai de la plaine et mes journées de labeur seront à l’image de leur contenu : sans relief. Je regarderai vers les hauteurs dont je descends aujourd’hui et je me dirai que c’était le bon temps. Que j’ai eu raison d’en profiter. Que j’étais bien imprudent de dévaler ces collines dans les faibles lueurs de petits matins brumeux, un œil sur la route, l’autre sur ces levers de soleil encourageants, que j’aurais pu louper le virage, et que ma femme, mon enfant, mes amis…
Je découvre ce blog par hasard et je suis enchantée. Je connais bien la region, c'est la ou habite ma mere depuis plus de 20 ans.
Les photos sont tout simplement superbes.
Rédigé par : Account Deleted | dimanche 21 décembre 2008 à 12H54