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Il faudra bien, un jour, que je me mette à l’ouvrage. Car parler d’eux m’est aussi nécessaire que de vivre chaque instant que m’offre la Vie. Sans doute par pudeur, je n’ai fait qu’effleurer publiquement leur souvenir qu’en de brefs moments de morosité, lorsque le poids de l’Absence devenait presque insupportable, quand je sentais s’avancer et que je redoutais la nuit qui impose ses images ineffaçables. On a beau se donner des airs de Popeye, on en reste pas moins simple mortel. Souvent je me suis demandé comment Ils pouvaient appréhender la situation que nous vivons depuis deux ans, du haut de leur Grand Ciel Invisible que je me suis inventé pour nourrir mon espoir de revoir. Parfois aussi je me les imagine grands et forts, se chamaillant leurs préférences lors de visites dominicales, autour d’un festin modeste et rassembleur, instants privilégiés devenus rares par les temps qui courent. Et pourquoi pas ? Peut-être même auraient-ils été assez costauds pour raisonner un frère qui n’en finit pas d’idéaliser l’absurdité de l’existence. Damien lui aurait dit « …on le sait que la vie est absurde, pas la peine d’en faire le tour indéfiniment… », Sébastien aurait acquiescé d’un air conciliant, pour calmer le débat. Mais je sais que leur entente n’aurait pas été facile, car les souvenirs que nous gardons de leur courte adolescence, nous rappellent combien nous avons été surpris de sentir autant de différences entr’eux. Tant qu’ils sont encore enfants, on ne s’inquiète pas vraiment. Puis un jour on a l’impression de quitter doucement un monde auquel on ne s’était pas préparé. De perdre un peu de nous même. Il faut un certain temps d’adaptation. Mais le « certain temps » a pris des allures d’ultimatum et ce foutu temps nous a privé à jamais d’une juste récompense pour une patience que nous aurions voulu autre. Il a fallu s’adapter mais pas comme nous nous y étions préparés. Nous-mêmes encore dans notre éducation d’adulte ignorant tout de ce drame qui se jouait, nous avons fait ce que nous croyions utile de faire, et je sais que, malgré nos incompétences légitimes, de là où je pense qu’Ils nous écoutent, Ils sourient de me voir ce soir me torturer l’esprit. Ou peut-être me permettent-Ils, au travers de ces lignes, de converser avec eux, de bric et de broc. Mais il est vrai aussi que cette solitude pèse de façon innommable, et que l’imagination est ce qu’il me reste pour me rapprocher d’une réalité toute fabriquée. Comme j’aimerais me dire : cela n’a jamais été. En fait, me dire tout le contraire de ce que je me dis depuis 6ans.
Rédigé à 20H49 | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)
Il faisait beau ce dimanche. Nous sommes partis à trois, après le repas de midi, en direction de ce mont qui nous attendait. Nous avons marché dans une neige craquante jusqu’au pied du Paugnasai, puis nous avons emprunté le chemin menant à son sommet. L’ascension était parfois difficile à cause de l’épaisseur de neige, mais cela rendait cette randonnée plus motivante encore. Sur ce tapis blanc et lisse, nous avons remarqué d’innombrables traces d’animaux mais jamais nous n’en avons aperçu. Eux nous voyaient, c’est certain. La semaine dernière, me promenant avec le chien, deux chevreuils avaient traversé le sentier, à moins de 50m devant moi. Où se cachent-t-ils dans ce bois, mystère. Petit à petit nous sommes arrivés à destination, au sommet de ce dôme de terre rouge, et nous avons observé ce village dans lequel nous vivons depuis deux ans. C’est un privilège de voir son lieu de vie sous cet angle. Puis, pour ne pas prendre froid, nous sommes redescendus peu après, profitant de ce soleil d’hiver dans une lumière à la fois douce et aveuglante. Nous étions bien tous les trois. J’ai pensé que nous aurions été mieux à cinq.
Rédigé à 21H32 | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)
Encore et toujours la neige. Je savoure silencieusement mes fantasmes et mes souvenirs d’enfance, transformant ces intempéries en juste récompense égoïste. Demain, si le soleil pense à pointer quelques rayons au travers de ce ciel bouché depuis plusieurs jours, je partirai vers le sommet du Puy de Paugnat, qui, à quelques centaines de mètres du seuil de notre maison, me salue tous les matins, attendant depuis deux ans que je lui rende une petite visite. Il doit se dire, du haut de son cône parfait le faisant ressembler aux terrils de mon ancienne contrée, que je ne mérite pas ma présence à ses pieds, puisque depuis que nous sommes installés ici, bien d’autres vieux volcans ont vu notre visite, et que lui, hôte bienfaiteur n’est même pas récompensé par cette attention d’ascension de ma part. Fabienne l’a gravit un matin en compagnie de l’épouse de notre propriétaire, et m’a dit que de là-haut la vue était magnifique. Et moi je n’en fais que le tour, par les sentiers qui le bordent, écoutant le vent souffler dans les grands sapins qui recouvrent ses pentes régulières. Lors de la dernière promenade pourtant, je me suis avancé dans le chemin qui mène à ce sommet longtemps observé, puis je me suis ravisé. Lorsque, revenant du travail ou de la plaine, j’arrive dans le village qui se situe juste avant Paugnat, la première chose que je me plais d’observer, c’est ce dôme aux pentes si régulières que je me demande parfois si une main divine n’est pas intervenue dans son élaboration. Quand le soir, je rentre par une nuit étoilée, verrouillant les portes de la voiture, je jette un dernier regard vers cette masse triangulaire qui se détache dans la semi-obscurité de la nuit qui s’avance. J’imprime à l’encre invisible dans mon esprit, des images qui je sais, me reviendront plus tard, comme des courriers que je m’enverrais uniquement pour me souvenir DE. Pour ce genre de connaissance, j’ai besoin de prendre mon temps, attendre le moment propice, créer entre l’autre et moi une complicité sans détour ni condition. Comme toutes les ascensions que j’ai accomplies, à pied ou avec ma bécane. Elles ne sont pas nombreuses mais ont toujours réussi à me rendre heureux. Le Paugnasai, comme Ils l’appellent ici, va donc bientôt avoir l’honneur de ma visite. Et, bizarrement, me reviennent à l’esprit les paroles de ma première chanson écrite sur mes deux seuls accords de guitare connus mi /mineur-La, en 75, et ces autres images de copains aux cheveux longs dans lesquels soufflait un vent d’espoir et de liberté. Du haut de la montagne je chercherai leurs visages ivres d’insouciance et je laverai ma peine dans ce ciel, loin, très loin, défiant les règles du temps et de l’espace.
« …Quelquefois, quand il fait beau,
Ils vont sur la montagne, là-haut
Une fois arrivés, ils regardent en bas
Essaient de comprendre, mais n’y parviennent pas… »
Rédigé à 21H42 | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Nicolas s’est installé aujourd’hui dans son petit appartement. Il commence là en fait sa vraie vie de célibataire, après deux ans de pérégrinations plus ou moins hasardeuses au sein de la famille, dans le Nord. Le mois passé chez nous en attendant cette installation, nous a permis de cerner un peu mieux son état d’esprit, même si nous n’avons pas communiqué comme nous voulions le faire. Il n’est certes pas facile, après tous ces mois de séparation, de rétablir un échange simple et serein. Nous avons senti pourtant une envie de tourner la page sur les dernières années, mais aussi une réticence à faire trop de concessions. Laissons faire le temps et la réflexion. Cela ne va pas être facile pour lui. Déconnecté du monde du travail, loin de ses connaissances, cela peut être l’occasion d’opérer un véritable nouveau départ, mais aussi, si la motivation ne suit pas, de s’enfermer dans une facilité néfaste et destructrice. Il a des atouts. Un goût et un sens prononcé pour tout ce qui tourne autour de l’art et de la culture avec petit A et C, lui permettront sans doute de combler le vide de certains moments de solitude. Je sais, pour l’avoir vécu à plusieurs périodes, que le besoin d’exister, ne doit pas être un frein mais une source de réflexion nous permettant de voir clair en nous, nous tenant à distance d’une vie matérielle, aveuglante parfois. Trop d’éléments extérieurs que nous ne maîtrisons pas nous rappellent que nous sommes dépendants de notre environnement, qu’importe sa nature. Vivre son idéal, mais ne pas mourir pour lui. Voilà, il me semble, une bonne ligne de conduite à suivre, mais qui demande tellement de sacrifices. Je pense qu’il peut comprendre cela. S’il le veut vraiment.
Rédigé à 20H43 | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
C’est une chose terrible qui vient de se produire aujourd’hui. Un fait divers comme il s’en produit des dizaines par jour, mais qui m’a touché profondément. Je ne savais pas très bien si je devais en parler, mais si j’aborde le sujet, c’est pour faire le point avec ma situation ici, dans mon travail de tous les jours. Voilà.
Tous les matins, vers 11h 30, après avoir pris mon repas, je retourne sur la plate- forme, dans ce vaste hangar glacé et, méthodiquement, j’ouvre les portes des dix quais sur lesquels les camions accosteront pour décharger leur marchandise. C’est devenu pour moi comme un rituel, je prépare l’arrivée des chauffeurs, prêt à écouter les péripéties de leur dure et longue journée de labeur, commencée depuis 2h du matin. Je les vois descendre de leur cabine, fatigués mais souriants, sans doute fiers d’avoir accompli leur mission. Je vérifie le déchargement, pendant qu’ils se dirigent vers la machine à café, pour eux une autre journée commence. Je sais que, des dix tournées, la N° 5 est la dernière à rentrer, car la plus difficile. Je referme donc les volets métalliques des autres portes, pour empêcher les courants d’air d’accentuer le froid, très vif en ce moment. Mais aujourd’hui le volet de la porte N°5 n’a pas été ouvert car le camion ne rentrera pas. Le destin en a décidé autrement vers 5h du matin, sur une autoroute verglassée. La machine à café a fonctionné dans un silence de mort. Et moi, simple spectateur, j’ai vu dans les yeux de ces hommes le désarroi devant la terrible nouvelle : un des leurs n’est plus. Demain il faudra reprendre la route. Putain de camion.
Rédigé à 22H08 | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)