VU DU BALCON : ARCHIVES

Intégré.

Cela fait trois ans que nous assistons aux demi-finales victorieuses de l’équipe de rugby Clermontoise. C’est à chaque fois le même engouement de la population pour cet événement, et nous assistons, étonnés, à la mise en condition des fidèles supporters. De nombreuses façades de maisons s’ornent petit à petit de ballons, drapeaux, banderoles et autres décorations aux couleurs du club. Cette année, outre le fait que ce sera la troisième fois consécutivement que l’ASM disputera la finale, ce sera la dixième fois qu’ils tenteront de décrocher ce fameux « bouclier de Brennus », trophée qui récompense la meilleure équipe du championnat. Inutile de vous décrire les rues de Clermont en cas de victoire, nous en avions eu un aperçu l’année dernière lors de leur victoire en demi-finale, étant présents sur les lieux. Quelque part cela rassure de voir cette effervescence autour d’une cause qui, en définitive,  ne changera pas la face du monde et de prendre du recul à l’annonce de toutes les nouvelles plus destructrices les unes que les autres dont les médias, qu’on le veuille ou non, nous assaillent du matin au soir. Et je me dis, en pensant par exemple à notre bonne équipe de foot Lensoise, qu’heureusement ce type d’événement peut encore nous faire vibrer pour nous sortir de la morosité ambiante dans laquelle on a  vite fait de tomber et de se complaire. Je pense que nous commençons à manquer de Vrais héros, et c’est sans doute pour cela que nous avons tendance à démissionner trop facilement devant les difficultés, par manque de repère. Allez l’ASM, ….allez Lens !

Vue d'en haut.

Ce matin, vers 8h, j’ai pris de la hauteur. Nous sommes montés au sommet du Paugnasé, moi et le chien, où je suis resté près d’une heure à contempler le village et ses alentours. Hier soir une forte pluie est tombée durant plusieurs heures et ce matin un chaud soleil réchauffait déjà de bonne heure une nature toute dégoulinante de pureté.  De mon piédestal, j’ai observé ces nappes de nuages qui recouvraient la plaine, au-delà des dernières collines de Paugnat, et je les ai vus petit à petit se dissiper au fil des minutes, formant comme un léger brouillard de chaleur. Je n’étais qu’à 900m, mais les quelques nuages délimitant l’horizon était bien plus bas que moi. J’ai alors pensé une fois de plus à notre situation, deux ans après notre arrivée ici. J’ai pensé à ce coin de nature que j’avais découvert en 1981, et à cette petite maison en bordure de forêt dans laquelle nous avions failli vivre, si quelques voix adultes et responsables ne m’avaient pas détournée de mon projet d’adolescent irréfléchi. Je me suis dit qu’après tout, c’est le Temps qui avait œuvré pour me ramener à ce projet initial, mais que je me serais bien passé de la tragédie qui lui a servi de prétexte. Cette petite maison en lisière de forêt nous allons la revoir jeudi, lors de notre visite express dans le Nord pour une fête de famille.

A 900m d’altitude, dans l’air pur et chantant dans lequel je rêvais, j’ai pensé aussi à la situation de Fabienne et à son travail d’assistante maternelle qu’elle exerce actuellement, et j’ai repensé à ce métier d’éducatrice spécialisée pour enfant  qu’elle voulait exercer lorsque je l’ai connue. Elle avait fini par arrêter ses études, ne se satisfaisant pas de cette séparation régulière qu’elle devait opérer avec Nicolas, âgé de quelques mois à l’époque. Tout semblait reprendre sa place ce matin. Dans ce vert irraisonnablement pur qui tapissait 100m plus bas la campagne silencieuse, dans le bleu impudiquement  profond d’un ciel immense et accueillant, la Vie me sembla plus vaste que jamais, sans limite ni entrave. J’ai alors remercié l’Invisible Absence de ce Don qu’elle mettait à notre portée, ces signes qui nous faisaient aimer le désespoir comme on aime les tourments de l’Amour qui nous fait vivre.   

Coton tige.

La semaine dernière, lors de ma rando à vélo dans les Combrailles, au petit matin,, j’ai chopé un sacré coup de froid. C’est en effectuant mes premiers tours de pédales dans les frimas de ce plateau glacé que je me suis rendu à l’évidence : cela ne serait pas sans conséquences. On ne démarre pas ainsi une rando, sans être accompagné d’un bonnet de laine. J’avais malheureusement oublié celui-ci sur la table de la cuisine, à vingt bornes de mon point de départ et annuler cette sortie pour ce détail me paraissait un peu idiot. Et pourtant ! Qu’elles ont eu froid les oreilles du chti ! De mémoire de cyclo, jamais un départ de rando me fut aussi pénible. Que je l’ai regretté, ce bonnet blanc qui me donnait des allures de coton tige, selon les dires et moqueries de la petite troupe nordiste qui démarrait ses sorties des dimanches matins dans une franche et bonne humeur, quelle que soit la couleur du ciel. Résultat, cela fait une semaine que je traîne un méchant rhume qui n’en finit pas de s’aggraver…et qui m’a empêché de faire la sortie prévue ce dimanche. Voilà ce que c’est que d’être sans cesse trop pressé de partir à l’aventure dans de nouveaux paysages, de peur de ne jamais pouvoir y arriver.  Comme ils disent là-bas, nos camaraTes, « un pressé n’a plus d’jus ». Ben ça c’est ben vrai. Par ici, ce type de réflexion philosophique, n’est pas légion. C’est sans doute pour cela que je commence à perdre le sens des précautions et il va donc falloir que je révise mes maximes. Un baudet qui fait à sa mode, c’est la moitié de sa nourriture. La moitié seulement.

   

Ecoute et regarde.

Régulièrement, la petite dizaine de visiteurs habituelle me rend visite. Je sais qui ils sont. Cette écriture continue d’aligner les images journalières d’une vie, simplement pour leur rester fidèle, pour les remercier de cette écoute attentionnée que je sais sincère. Parfois, lorsque que le nom du blog apparaît dans la rubrique « mise à jour », les visiteurs sont plus nombreux, et j’ai la surprise de découvrir un petit mot en commentaire. Qu’avons-nous plus besoin que d’écoute ? Lorsque j’étais plus jeune, on se plaignait de mes silences. Que de drôles de situations j’ai vécu ! Perdu dans la multitude, ne trouvant rien d’intéressant à dire, je donnais souvent l’impression de ne pas être à ma place, de mépriser l’entourage qui m’interrogeait à coup de regards fuyants, craintifs et parfois furieux de ce mutisme exacerbé. Ah, s’il avait su, ce monde, qu’à la parole je préférais la douce sensation que procure une écoute large et profonde, il n’aurait sans doute pas construit tant de murs, mais au contraire, aurait construit des ponts et des chemins entre lui et moi. Mais il est paresseux le monde, il s’arrange bien de laisser faire le boulot par les autres, à coup de recettes diverses de Vie et de petits arrangements particuliers. Je ne me suis jamais pourtant laissé faire, préférant l’erreur aux affirmations mensongères des vendeurs de larmes. Et c’est avec ces concepts de réflexions personnelles que j’ai élaboré mes choix d’existence. Je ne pourrai jamais savoir si je me suis trompé. Quelques personnes seulement feront ce bilan. C’est pour cela que j’aime les savoir à l’écoute, presqu’en temps réel, et que je m’en veux, lorsque ma faible capacité intellectuelle m’empêche de trouver les mots nécessaires à cette écriture que je sais indispensable à mon équilibre. Et peut-être au leur.

Au chapitre 11, page 247 du bouquin pas trop difficile à comprendre que je suis entrain de lire, l’auteur cite Lucrèce, un philosophe d’avant JC.

« N’entendez-vous pas ce que crie la nature ?

Que veut-elle, sinon l’absence de douleur

Pour le corps, et pour l’âme un bonheur pacifié,

Délivré des soucis et guéris de la peur ? »

 

Ben oui, nous en avons fait l’expérience, et plus de 2000 ans après Lucrèce, sans jamais avoir ouvert un bouquin de philosophie, nous devons avouer que cette pensée se vérifie. Vous aussi, lecteurs assidus et attentionnés de ce blog sans prétention, vous avez bien senti que cet environnement dans lequel nous baignons depuis deux ans, nous a aidé, voir sauvé de cette voie sans issue dans laquelle nous étions engagés avant de trouver ce petit coin de repos. Quel aurait été notre avenir si, sans trouver d’autres solutions que de nous noyer dans une ville quelconque, nous avions baissé les bras, anéantis par tant de douleurs à supporter. Il nous suffit ce soir, lorsque nous sentons une mélancolie vicieuse nous pénétrer doucement, de sortir et de faire quelques pas dans ce spectacle non-stop joué à notre porte. Pas plus tard que samedi matin. Levé tôt, je me suis retrouvé à 6h30 du matin, au sommet du Puy de Paugnat, assistant au lever de soleil, et au réveil du village, minuscule maquette qui s’étirait au pied de la montagne. Et le lendemain matin je traînais ma bécane dans un décor irréel de brume et de couleurs vaporeuses qui me fit oublier les basses températures de ces matins montagnards. Lucrèce connaissait peut-être cette dame de Haute Savoie. Croyez-moi, elle existe bien, si on se donne les moyens de la chercher.  Ah, pour le bouquin, le titre c’est « Les états d’âmes », de Christophe André…un bon investissement, par ces temps de crise, cela me semble important.