VU DU BALCON : ARCHIVES

...comme un poisson dans l'eau.

…et nous voici au mois d’avril ! Fabienne a repris quelques kilos, ce qui lui va très bien d’ailleurs, le chien n’a plus ses griffes qui poussent n’importe comment grâce aux courses éperdues à travers les sentiers des environs et moi, ben moi…je continue mon travail d’adaptation dans ce nouveau pays. Cela me prend pas mal de temps, autant dire chaque instant puisque tout est nouveau pour moi. Ce soir j’ai préparé le circuit de marche qui devrait nous mener au château de Tournoël. Je dis devrait car les erreurs de lecture de la carte peuvent nous mener à un tout autre endroit. Ce qui nous est déjà arrivé deux fois ! Une bloggeuse m’a suggéré l’utilisation d’un GPS… Désolé, je laisse cela aux pros de la randonnée. Mon instinct d’ancien éclaireur de France ( désolé pour les détracteurs, mais mon passage dans leur communauté à l’âge de 10 ans m’a apporté mes bases de survie pour les années qui allaient suivrent.)  revient à la surface, seulement avec les années, il me faudra du temps pour au minimum tenir une carte à l’endroit. J’ai pourtant gardé le sens de l’orientation et c’est bien souvent grâce à lui que je retombe sur mes pattes. Sans boussole s’il vous plaît ! Bref la promenade  de demain est prête.

Après avoir visité tous les circuits pédestres  environnants, il va falloir ressortir la « bécane ». Mise en sommeil depuis la mi-octobre, je vais très prochainement la remettre à contribution et me remettre «  en selle ». Les premiers coups de pédale seront difficiles, je m’y attends. Pas question ici de faire quelques dizaines de kilomètres sur terrain plat pour se mettre en forme…Pas question non plus d’espérer aligner les brevets de 100, 150, 200km sur quelques semaines comme je le faisais dans le Nord. Ici un bon 50 km fera l’affaire. Mais il va falloir s’y remettre sérieusement. Je ne compte pas me faire narguer trop longtemps par ce Puy de Dôme que j’aperçois chaque matin, et qui se prend des airs de « Sainte-n’y-touche », tout enrubanné de blanc…Qui vivra verra…Et si Fabienne roule avec moi, alors les difficultés s’atténueront d’elles-mêmes.

L'étranger

La moindre des choses lorsque l’on arrive dans une contrée inconnue, c’est de se donner la peine de faire sa connaissance. Faire le premier pas sans attendre les mauvaises surprises pour ne pas se sentir déçu ou trompé. Connaître ses coutumes, son histoire, ses forces et ses faiblesses, écouter, essayer de comprendre, regarder, observer les habitudes de vie des citadins ou des ruraux, chercher à connaître le pays par son relief, son économie, sa situation géographique…tellement de choses à  apprendre des autres. Voilà à quoi je m’occupe depuis notre arrivée ici. Au travail, ne parlant pas beaucoup, j’écoute énormément. Me dévoilant parfois, j’ai déjà pu observer que le sens que nous donnons quelquefois à certaines réflexions, humoristiques ou plus graves, ne sont pas toujours perçues de façon évidente. Je lis parfois dans le regard de mes interlocuteurs, une sorte de perplexité accompagnée de silences interrogateurs, comme si quelque part, une incompréhension naissait, une barrière s’élevait. Alors depuis plusieurs semaines je me suis mis à acheter des livres parlant de cette Auvergne dans laquelle je veux me sentir bien et serein. Je cherche, à travers les lignes racontant l’histoire de ce pays, les moyens de ne pas me méprendre, me tromper, m’égarer sur des chemins ne menant qu’au refus et au rejet. Et pourtant je suis en France. Au milieu de compatriotes desquels je n’ai rien à craindre. Au milieu aussi de populations d’autres Pays venues chercher un travail et un lieu de Vie paisible. Chez moi, là haut dans le Nord, j’avais l’impression de ne plus rien apprendre du Monde qui m’entourait. Cet apprentissage est donc pour moi aujourd’hui, une source de plaisir à laquelle je veux m’abreuver sans retenue. J’espère simplement avoir assez de temps pour assouvir cette soif de connaissance. Et surtout ne pas en gaspiller.

Sébastien parmi les hommes

Je me souviens, l’infirmière m’a dit : « rentrez chez vous, on vous appellera quand le travail commencera… » Une fois à la maison j’ai installé un matelas à même le sol près du téléphone, dans le salon, et je me suis assoupi. Dans la nuit, l’infirmière m’a appelé et j’ai foncé à la maternité. Je me souviens qu’une fois arrivé, elle m’a demandé si c’était bien une Toyota que j’avais ! A ma réponse affirmative elle  s’est retournée vers sa collègue pour vanter les mérites de ce véhicule… Tu es né un peu plus tard, sur le matin, avec un peu de difficulté, ton premier cri étant long à venir. Dehors il faisait triste, c’était la foire St Joseph à Maubeuge, et à Paris, une manifestation monstre était organisée pour la préservation de notre sécurité sociale. un mercredi. Tu aurais eu 20 ans aujourd’hui.

Le printemps est arrivé, la belle saison..(fugain)

Mercredi 21, c’est le printemps. Ici, il a fait une arrivée plutôt remarquée. Ce matin en descendant au boulot, on se serait cru au mois de Janvier lors de l’épisode neigeux. Descendre 600m, en pleine nuit, (il était 4h, je commençais à 5h) à travers une forêt épaisse, dans une averse de neige  qui n’en fini plus, cela vous donne une bonne poussée d’adrénaline qui achève de vous réveiller totalement ! Mais aussi ça vous plonge dans un monde fantastique, changeant à chaque seconde, vous transportant au travers d’images que vous seul construisez. Vous êtes dans l’habitacle froid mais rassurant de la voiture, la radio en sourdine et, devant vous, l’obscurité profonde est vaincue par la puissance à la fois fragile et dangereuse des bourrasques de neige. Vous suivez comme vous le pouvez les traces du véhicule précédent  qui a eu l’audace de s’aventurer avant vous et, un œil sur le rétro intérieur, vous surveillez le véhicule qui, derrière vous, prudemment vous laisse la responsabilité de vos choix ! La vitesse plafonne à 20km/h, vous êtes en seconde, et vous vous rassurez en pensant que la semaine dernière, vu les 20° qui annonçaient un passage en douceur vers la belle saison, vous avez bien fait de ne pas enlever les pneus neige ! Quand la vallée est atteinte et que le danger est écarté, on se sent soulagé mais aussi déçu de quitter ce monde fantasmagorique.

L’après-midi j’irai profiter, avec le chien, de ces derniers instants d’un hiver qui bien que bref, ne veut pas qu’on l’oublie trop rapidement. Je me suis dirigé vers le plateau, là où la bise et la blancheur immaculée m’ont rappelé bien des souvenirs d’enfance, à l’époque où il neigeait encore chez nous, dans le Nord. Fabienne est restée à la maison, assidue sur son tricot, calculant en silence chaque point qui donnera comme d’habitude un ouvrage que beaucoup de monde lui enviera. 

Le retour du JEDI

Une fine couche de neige recouvre de nouveau les plateaux volcaniques. Sans doute est-ce là le dernier assaut d’un court hiver. Le Puy de Dôme a viré au blanc. Impressionnant. Cela fait des années que je dois le gravir en vélo, mais à chaque fois j’ai dû remettre à plus tard, faute de temps. Nous ne venions dans la région que pour de courtes vacances et nos occupations ne m’ont jamais permis de donner une suite concrète à ce projet. Mais aujourd’hui je n’ai plus d’excuses. Tous les jours, en rentrant du travail, je me tourne vers lui, lui demandant d’attendre encore quelques semaines, voir quelques mois, pour me recevoir. Il faudra, bien entendu, m’entraîner sérieusement, car les ascensions de montagne de ce type ne se font pas à la légère. Je ne suis pas un débutant, j’ai bourlingué dans les pyrénées et les monts du Forez d’où j’ai ramené deux brevets (d’aucune valeur, je vous rassure) de cyclo-montagnard mais aussi des souvenirs impérissables de souffrance et de liberté. Quand vous êtes seul à  1700m sur une bécane qui semble peser une tonne, sur des routes où le moindre soubresaut vous tiraille ce qui vous reste d’orgueil, mais où les silences et les spectacles d’une nature encore vierge vous laissent sans voix, vous ne demandez qu’une chose, c’est de rester pendu là-haut éternellement. Alors il va falloir que je re-sorte le vélo, que je lui fasse un brin de toilette, que je le « bichonne »  pour qu’une fois préparé, il se présente fier et courageux devant le Temple de Mercure. Je ne dois pas attendre trop longtemps pour réaliser ce projet. Trop souvent il a été remis et cela m’inquiète. Car il est de ces rêves qu’on ne réalise jamais faute de les avoir relégués au profit d’une réalité trop souvent ingrate. Et comme dirait MaîtreYODA : «  N’essaie pas, fais-le.. ! » ( L’Empire contre-attaque) .

siffler là-haut sur la montagne

Le bonheur tient à peu de chose : rentrer épuisés d’une rando sur le Puy de la Nugère, après s’être trompé deux fois de chemin dans la forêt, et avoir parcouru cinq à six bornes de plus, s’attabler autour d’un œuf dur, un morceau de pain et de saucisson, une salade composée, un bout de St Nectaire (car de toute façon y’a rien d’autre), le tout accompagné d’un petit verre de St Pourcain…manger en silence, puis reprendre la parole en se remémorant cette escapade. Sentir cette Vie qui reprend forme et laisser faire notre nature. Sans obligation. Se laisser faire, comme une invitation que l’on accepte sans scrupule pour satisfaire un besoin de rencontre hier encore inespérée. Sans prévoir ce que demain sera, en se moquant de la neige qui fera son retour dans quelques jours. Triste quand même pour ces premiers bourgeons qui se donnaient un mal de chien à nous indiquer l’approche du printemps. Bon va vraiment falloir que je bosse mes cartes IGN..            !

Noces Blanches

Un demi-siècle de Vie et un quart de siècle de vie commune. Deux anniversaires. Bien sûr dans ce blog je ne parle que de moi, mais toutes ces phrases, toutes ces émotions, tout ce courage qui me les donne ? Le 13 Mars 1982, il faisait un froid de canard. Nicolas, notre fils aîné a assisté à notre mariage, et toi, fidèle à nos idées, tu ne t’es pas marié en blanc…Alors ce soir pour fêter ces 25 ans de vie commune, nous avons bu une coupe…simplement.

C'est la fêêête...(M. Fugain)

  1997. 40 ans. 10 ans. Ce soir ce parcours restera sans doute la plus affreuse période de ma vie, et voyez-vous pour une fois je n’écris pas le mot avec une majuscule comme à mon habitude. Cette soirée d’anniversaire de mars 97 je la voulais simple mais marquante. Je voulais qu’elle marque, peut être par peur des années à venir. Je savais qu’il allait me falloir du courage pour affronter une réalité que je savais incontournable, imparable. Alors je me suis entouré de la famille proche, d’amis de galère les plus fidèles et de quelques copains avec qui je travaillais à l’époque. La salle où se tenait cette petite fête était située au dernier étage d’un grand bâtiment administratif. Pour y accéder, il fallait gravir cinq paliers de 10 marches chacun. Sur chacune des marches j’y avais inscrit une année, jusque la quarantième, ainsi les invités pouvaient, au fur et à mesure de l’ascension, mesurer la pénibilité de cette Marche du Temps, bien souvent cachée, par pudeur. Je me souviens avoir dit à un ami qui avait trouvé l’idée originale : «  je réserve le dernier palier pour la prochaine décennie… ». Mais sans aucune conviction.. Ce soir je suis bien plus haut que ce cinquième palier. Je me suis rapproché un peu plus près  des étoiles, pour que le chemin soit moins fastidieux.

De cette soirée d’anniversaire je garde un merveilleux souvenir. Je me souviens de cet ami, qui m’a beaucoup appris sur les milles et une façon d’animer une fête, ami disparu aujourd’hui et qui a rejoint d’autres qui l’avaient laissé un peu trop seul. Je me souviens du petit discours du frangin, qui résuma en quelques lignes poétiques l’évolution d’un frère parfois un peu trop distant. Je me souviens de cette caricature offerte par les copains, tableau qui m’a souvent inquiété et aussi de ce gâteau en forme de guitare  offert pour me rappeler à une passion quelque peu délaissée. Je me souviens de toutes mes belles sœurs et nièces encombrées de leur progéniture, enfants devenus grands aujourd’hui et qui ont vu leur famille s’agrandir. Je me souviens de mes trois fils s’amusant à l’abri  des futurs tourments, insouciants et libres.

Voilà à quoi doit servir une fête. Réunir les meilleurs moments d’une Vie pour nous donner la Force de croire en un Possible.

A cinquante ans, toute cette Force à été entamée dans sa majeure partie et le peu qu’il me reste me suffira bien, je pense, à attendre l’éventuel Moment. Je veux passer ce Temps à observer les étoiles en rentrant du travail le soir, à observer le chemin des nuages quand ils se mettent à bousculer les montagnes, à défier les premiers rayons du Soleil quand ils se profilent sur les crêtes boisées des vieux volcans. Et  sentir ce calme revivre en moi, pour mieux apprécier les paroles d’éventuels visiteurs attendus. Mais je sais aussi que chaque jour qui passe, me ramènent à des souvenirs que je ne pourrai jamais effacer. C’est pour cela que toute fête me semble désormais impossible à vivre pleinement. Bon anniversaire …Alain.